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1901, 12 septembre. Préfecture de la Seine. Service technique d’architecture

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Église Saint-Germain-des-Prés. Réparations de la façade. Rapport de l’architecte de la 5e section.

  • Arch. de Paris, VM32-3713 nos 36 à 39

En réponse à la note du 5 juillet dernier faisant suite à celle du 18 juin relative à la réparation de la façade de l’église Saint-Germain-des-Prés du côté du boulevard Saint-Germain, le soussigné a l’honneur d’adresser les indications demandées sur l’emploi du crédit de 10 000 F accordé par une délibération du Conseil municipal du 30 mars 1901.

Cette allocation doit être employée spécialement aux réparations nécessaires pour assurer la sécurité publique. Dans plusieurs rapports précédents, le soussigné a signalé à ce point de vue, le portail méridional (côté du boulevard Saint-Germain) et, dans un devis accompagnant le rapport du 10 janvier 1895, les articles se rapportant au portail en question s’élèvent à 14 500 F. Depuis 1895, la situation, naturellement, s’est aggravée et l’allocation de 10 000 F serait insuffisante pour faire une restauration complète, mais on peut l’appliquer utilement à toute la partie du portail où la chute des fragments de pierre qui se détachent sous l’influence des circonstances atmosphériques, constituerait un véritable danger pour les passants, s’ils n’étaient maintenant garantis par l’échafaudage qui vient d’être établi conformément aux instructions de Monsieur le Directeur.

Le premier dessin ci-annexé représente la façade du portail avec l’indication des pierres à remplacer ; c’est toute la balustrade aveugle couronnant le portail cintré et s’étendant en aile jusqu’au contrefort terminant le pignon du transept : la cimaise de la corniche, plusieurs morceaux de l’assise en-dessous et divers morceaux dans les consoles, dans le fronton coupé et dans le cartouche supportant la niche au-dessus de la porte.

Sauf pour la balustrade, il ne s’agit que du remplacement des pierres menaçant ruine ou des fragments déjà tombés, il n’y a aucune remarque spéciale à faire, il n’y a pas de doute sur ce qui existait, il n’y a qu’à se raccorder avec les moulures en bon état.

Quant à la balustrade, elle est absolument ruinée et a été à peu près complètement refaite en ciment et on ne trouve guère des fragments de pierre que pour la tablette de couronnement et la base. La pierre ancienne a été, entre les deux, piochée et les arceaux refaits en ciment sans le moindre souci de la régularité au-dessus et en supprimant les profils que l’on trouvait probablement peu commodes d’exécuter et en remplaçant l’ornementation sculptée par une sorte de macaron presqu’informe. La façade représente la balustrade proposée refaite dans son état original ; la mutilation qu’elle a subie doit se placer entre 1845 et 1855. L’état original est figuré dans les dessins excessivement soignés et très complets de l’église Saint-Germain-des-Prés faits à l’échelle 0,0135 par mètre (un pouce pour une toise) pour les archives de la Ville, de 1820 à 1824, avant la démolition des deux clochers du chœur. Ces dessins représentent incontestablement l’état existant à cette époque.

La balustrade à arceaux et à fleurs de lys se continuait sur le bas-côté jusqu’à la chapelle Saint-Symphorien. Dans toute la partie de la cour dépendant de l’église (l’ancien cimetière), elle a été remplacée par un bahut plein dont on ne s’occupe pas ; pour le moment. L’ancienne balustrade est encore nettement représentée sur une lithographie sans date ni nom d’auteur, assez mauvaise d’ailleurs, et appartenant très assurément à l’époque 1840. Les arceaux de la balustrade sont figurés avec leur ornementation très fruste, mais bien indiquée (le musée Carnavalet a deux exemplaires de cette lithographie).

C’est avec ces documents que la balustrade a été reconstituée. Le deuxième dessin donne la partie supérieure du portail et le détail de la balustrade, celle restituée et celle actuelle.

La balustrade où les fleurs de lys n’étaient que décoratives n’avait pas été touchée à la Révolution, mais à ce moment doit remonter la suppression des armoiries et quelques détails sur le cartouche supportant la niche au-dessus de la porte. Les dessins de 1824 qui sont très précis, indiquent l’écusson privé de son blason. Une gravure de Marot, celle représentant la «  nouvelle porte  » de l’abbaye sur la rue Sainte-Marguerite, laisse voir dans le fond le portail de l’église. Elle a donné les éléments du cartouche, l’écusson est très petit sur la gravure et il n’y a qu’une indication sommaire du blason, mais on reconnaît facilement les armes de l’abbaye. Dans le croquis annexé (n° 3), l’armoirie a été complétée d’après les «  ex-libris  » de l’ancienne bibliothèque, correspondant à l’époque de la construction du portail méridional. Quant au monogramme SG figuré sur le revers du cuir, où se remarquent des traces de recoupement, il est reproduit par analogie avec ce que l’on voit dans l’ornementation de la porte sur la rue Sainte-Marguerite de la gravure de Marot. C’est le seul détail un peu hypothétique. L’étude est à compléter. Au surplus l’allocation présente ne donnera probablement pas des ressources suffisantes pour refaire cette partie de la sculpture.

Le portail méridional de Saint-Germain-des-Prés, bien que n’appartenant pas à l’édifice primitif, comme les voûtes de la nef, comme les murs du transept, est néanmoins intéressant ; il a été construit de 1644 à 1646, il fait partie de l’ensemble des travaux commencés par l’architecte Christophe Gamard1 le «  sixième avril 1644  ». «  La restauration de l’église fut achevée le onzième juillet 1646, jour consacré à la translation des reliques  » (Dom Bouillard) ; c’était alors l’abbé Henri de Bourbon «  nommé à l’évêché de Metz en 1623 qui était le titulaire de l’abbaye, fils naturel d’Henri IV et de Henriette de Balsac  », né le 15 décembre 1601, il gouverna l’abbaye pendant quarante-six ans, il se démit le 12 octobre 1669, dit Dom Bouillard, «  pour se marier avec la duchesse de Sully  ». Pendant ce long laps de temps, il avait fait beaucoup d’améliorations et de changements dans les constructions de l’abbaye. Le rapport du 10 janvier 1895 a donné quelques notes à ce sujet, le soussigné a réuni une certain nombre de documents pour les compléter ; il compte pouvoir y joindre un plan de l’ancienne abbaye avec la superposition de l’état actuel.

Paris, le 12 septembre 1901,

L’architecte de la 5e section, Charles Duprez


1 Christophe Gamard, en même temps qu’habile architecte, très occupé en cette qualité (il commençait en 1646 l’église Saint-Sulpice) paraît avoir entrepris d’assez grandes spéculations. Il avait déjà traité avec l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés des affaires importantes ; l’abbé Henri de Bourbon avait fait avec lui en 1635, un contrat lui cédant les anciens fossés de l’abbaye pour y bâtir des maisons, faire une rue, y créer un marché. J’ai l’original d’un acte relatant qu’il achevait le 23 septembre 1634 une maison à l’enseigne de la Rose Rouge avec un jardin sur l'autre côté de la rue Sainte-Marguerite. D’après le partage de sa succession en 1650, sur cet emplacement, on fit quatre ou cinq maisons. Il avait encore l’hôtel Taranne loué 2700 livres, une autre maison à la suite, même rue, une autre maison rue du Sépulcre.