École des chartes » ELEC » Correspondance et états de situation » 1820 » 1820, 8 mai. Direction des Travaux de Paris. À Monsieur le baron Mounier, conseiller d’État, Directeur général de l’administration départementale

1820, 8 mai. Direction des Travaux de Paris. À Monsieur le baron Mounier, conseiller d’État, Directeur général de l’administration départementale

. Paris

Église Saint-Germain-des-Prés.

  • Arch. nat., F 13-882 nos 16 à 18

Monsieur le Baron,

J’ai été averti par les journaux il y a quelques jours que des dégradations majeures s’étaient manifestées à l’église Saint-Germain-des-Prés. Je me suis hâté d’aller voir cet édifice, et j’ai été réellement effrayé de l’état dans lequel je l’ai trouvé. J’ai réuni aussitôt MM. Rondelet et Gisors, membres du Conseil des Bâtiments civils, Molinos et Rohault, architectes des deux préfectures, Debret, architecte de l’église de Saint-Denis et Godde, architecte des églises de Paris, et par conséquent de Saint-Germain-des-Prés, et j’ai passé avec eux deux heures dans l’église même samedi dernier.

Nous avons appris que les piliers de la nef avaient donné depuis quelques temps des indices de décomposition qui avaient été observés soigneusement mais que tout à coup un de ces piliers, il y a de cela vingt jours environ, s’était gercé, fracturé, et qu’il avait fallu l’étayer avec précipitation ; un second pilier a cédé presque en même temps, enfin les autres se sont gercés à leur tour et il a fallu songer à étayer toute la nef pour la préserver d’une chute prochaine. Nous avons tous reconnu que cette dégradation tenait à l’âge des constructions, à la décomposition totale des matériaux de tout le bas de la nef, qui est la partie la plus anciennement bâtie  ; qu’il était indispensable de reconstruire la nef dont la restauration coûterait à peu près aussi cher et laisserait encore des inquiétudes graves à cause des effets que le décintrement pourrait produire sur les parties à conserver ; qu’il faudrait consolider et décharger les piliers des bras de la croix ; mais que jusqu’à ce moment le chœur ne présentait aucun indice de péril et qu’on pouvait y continuer sans inconvénient l’exercice du culte en prenant toutefois la précaution de ménager une nouvelle entrée aux fidèles par une porte que l’on vient d’ouvrir du côté de la sacristie et sans passer par la nef. Nous avons pris des dispositions pour que dès hier on pût célébrer l’office et admettre le public dans le chœur sans aucun danger. Le système d’étaiement bien conçu par M. Godde, architecte de l’édifice, se complète, et l’on peut compter que les dégradations qui se manifestaient et se propageaient avec une rapidité vraiment alarmante, seront maintenues de manière à prévenir tous les accidents.

Il paraît du reste certain que pour décharger les piliers des bras de la croix, il faudra démolir de suite les deux tours voisines du chœur, et que la nef toute entière devra être reprise en sous-œuvre ou reconstruite.

J’avais donné connaissance à M. le préfet de la Seine de la réunion que j’avais provoquée d’une commission d’architectes ; dès samedi, je l’ai prévenu du résultat de la visite que nous avons faite, et aujourd’hui même je lui transmets une ampliation de l’avis motivé rédigé par cette commission, en lui proposant d’autoriser de suite les travaux d’urgence, sauf à examiner plus tard le parti qu’il sera nécessaire d’arrêter après avoir consulté le Conseil des Bâtiments civils, soit que l’administration veuille restaurer la nef, soit qu’elle préfère de la rebâtir entièrement.

J’ai pensé, Monsieur le Baron, qu’il vous paraîtrait convenable d’être informé de tous ces détails, et je m’empresse d’avoir l’honneur de vous en faire part.

J’ai l’honneur d’être avec la plus haute considération, Monsieur le Baron, votre très humble et très obéissant serviteur,

Hély d’Oissel, le conseiller d’État, directeur des Travaux de Paris