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À la recherche des formulaires perdus
La documentation de l'Audientia du diocèse de Braga (fin XIIIe-XIVe siècles)

Résumé

Parmi l’ensemble de la production documentaire médiévale du diocèse de Braga, on ne conserve aucun recueil de modèles. Mais l’étude des actes émanés de la chancellerie archiépiscopale de Braga jusqu’en 1245 a attiré mon attention sur la récurrence de certaines formules, révélatrices d’une culture littéraire et juridique, en particulier dans les préambules et dans les clauses pénales, mais aussi dans d’autres parties du discours diplomatique. Dans la seconde moitié du xiiie siècle, l’organisation interne des services diocésains se modifie : au-delà de la chancellerie épiscopale elle-même, apparaît l’Audience, entité judiciaire, attestée à partir de 1272. Tout naturellement, la production documentaire change avec cette restructuration. En l’absence de compilation de modèles d’actes, j’étudie les différentes formules utilisées dans chacun des types de documents composés à l’Audience entre 1278 et 1325, souvent dans un grand formalisme, pour déterminer l’existence et l’usage de formulaires, aussi bien que pour délimiter la place de chaque acteur (scribes, notaires épiscopaux, notaires publics…).

Introduction

Lorsque j’ai décidé d'étudier les formules utilisées par la chancellerie de l’archevêque de Braga jusqu’au xive siècle, j’étais bien consciente de la difficulté qui surgirait. Avant tout, parce qu’il n’y a (ou, du moins, il ne s’est encore trouvé), dans les collections conservées, aucun document que l’on puisse reconnaître comme une compilation de modèles servant à l’élaboration des actes produits dans cette institution.

Quand j’ai étudié la production documentaire de la chancellerie archiépiscopale de Braga jusqu'à 12451, j’ai déjà attiré l’attention sur certaines formules qui révélaient le haut niveau culturel et juridique des membres de l’institution, en particulier dans les préambules et dans les clauses pénales, mais aussi dans d'autres parties du discours diplomatique. J’ai maintenant limité l’étude à une période un peu postérieure, et qui correspond à une nouvelle époque de la production documentaire de Braga.

On sait que, pendant la seconde moitié du xive siècle, l'organisation interne des services diocésains se modifie : au-delà de la chancellerie épiscopale elle-même, apparaît l’Audience (lat. Audientia, portug. Audiencia), entité affectée à l’exercice de la justice. Tout naturellement, la production des documents a été elle aussi atteinte par cette restructuration : à compter de 1245, les documents judiciaires et de juridiction, ne relevant plus des « compétences » de la Chancellerie, ont commencé à être composés par les scribes de l’Audience. Mais il faut attendre 1272 pour que l’Audience soit citée dans un document. C’est alors que, outre les actes liés aux procédures et aux sentences, les scribes commencèrent à rédiger des documents publics et des actes administratifs, avec l’autorité expresse des juges et vicaires présents. Autrement dit, la Chancellerie ne garda plus, dans ses compétences, que les actes de procédure (telles les commissions et procurations), et les actes privés (comme les missives), qui étaient écrits par des scribes, la plupart du temps anonymes, ou, depuis 1275, par des notarii curie episcopi, qui semblent être étroitement liés au prélat, mais non au chapitre de la cathédrale ou aux vicaires.

Le corpus documentaire que je vais utiliser pour cette étude provient de l’Audience du siège de Braga, pour un total de quarante actes, écrits entre 1278 et 13252. Comme on l’a vu, faute de formulaires destinés à des scribes de Braga, il me faudra regarder les différentes formules utilisées pour chaque type de document écrit à l’Audience entre 1278 et 1325, pour essayer de déterminer le(s) modèle(s) utilisé(s). Je suis bien consciente que, de cette manière, nous approcherons l'objectif final sans l’atteindre. Il ne s’agira donc pas tant de présenter ici des résultats que les données disponibles jusqu’à aujourd’hui.

I. Les formulaires au Moyen Âge

Habituellement, lorsque nous parlons de formulaires, nous nous référons aux compilations de modèles de documents, destinés à épauler la rédaction des futurs actes, mettant en œuvre des matériaux des plus variés, écrits et complétés au fil du temps. Le fait qu’il n’existe pas de formulaires antiques conduit certains diplomatistes à penser que l’apparition tout comme l’utilisation de ce type d’outil sont en relation avec le déclin dans l’usage de l’écrit au début du Moyen Âge : des scribes peu « compétents », si l’on peut utiliser cette expression, avaient besoin de modèles parce qu’ils étaient moins familiers avec la rédaction des actes3. Des recherches plus récentes ont montré précisément le contraire : les formes standardisées des textes prouvent que l’on écrivait souvent, à tout le moins parce que « la création des modèles de documents ne se justifie que si on attend un gain de temps, donc dans une situation où la demande de documents est forte, et leur contenu répétitif. C’est seulement lorsque l’usage de documents n’est que rare ou même exceptionnel que l’on peut se permettre le luxe d’une rédaction particulière »4. En outre, il fallait quelque expertise pour apprendre à utiliser les formulaires, assis sur la généralisation, quand le rédacteur devait la plupart du temps s’adapter aux circonstances.

Il existait certainement des formulaires dans la plupart des institutions médiévales. Il est néanmoins très difficile de connaître leur origine. Les uns étaient « saisis dans les écoles ou transmis au cours d'un enseignement à domicile », les autres se conservaient dans les modestes bibliothèques qui appartenaient à ces institutions5. Quelques-uns aussi pouvaient être transmis par la tradition : les scribes d’une chancellerie mémorisaient souvent les formules – raison pour laquelle leur style était souvent routinier6. Au-delà des formules utilisées par les scribes, et indépendamment de la négligence causée par la monotonie de leur travail, on peut discerner des variations dans l’énoncé de certaines formules7, aussi bien que dans les usages et pratiques juridiques.

Il n’est pas nécessaire de dire l’importance des formulaires pour les diplomatistes, à commencer par les nombreux types de documents que l’on ne connaît que par les formulaires, résultat du caractère éphémère de bien des originaux : quelques-uns avaient une validité limitée, les autres perdaient de leur valeur quand les circonstances changeaient, autant d’occasions de ne plus les conserver, et seuls les formulaires en gardaient le souvenir. Si seul un petit nombre de formulaires a survécu jusqu’à nos jours, c’est parce que, dans la plupart des cas, leur conservation a été complètement différente de celle des documents produits8.

L'importance des formulaires vient aussi du fait que, dans certains cas, ils permettent de reconstruire les relations entre les institutions, nationales et/ou étrangères9. En outre, des magistri des écoles, voire des scribes ou notaires très appliqués, ont été amenés à copier et transformer en modèles rédactionnels des textes qui parvenaient de la chancellerie royale ou bien des grands centres européens de production documentaire, comme la Curie10, dès que l’occasion s’en présentait.

Au Portugal, on connaît seulement un formulaire épiscopal11, qui se trouve dans le martyrologe-nécrologe du siège de Lamego12. Il est possible qu’aient existé, dans cette chancellerie, d’autres formulaires anciens, parce que l’on y rencontre des « systèmes de production de documents bien organisés »13. Mais les chancelleries épiscopales des diocèses de Braga, Porto et Coimbra, dont on connaît la production documentaire jusqu’au premier quart du xive siècle (Braga et Coimbra) ou au début du siècle suivant (Porto), ne nous ont légué aucun formulaire, au moins en l’état de nos connaissances.

II. La documentation de l’Audience de Braga (1278-1325)

Les actes écrits à l’Audience du siège de Braga pendant la période considérée sont surtout des documents résultant de l'acte de juger (compositions, sentences et décisions des juges). Tous ces actes ont en commun le fait qu'ils se réfèrent à la causa qui opposait deux parties en conflit, que l’on cherchait régler, la plupart du temps, in claustro ecclesie bracarensis in loco ubi dicitur Audientia.

Mais les scribes écrivaient aussi, à l’Audience, des actes concernant l’administration ecclésiastique, pour peu qu’ils fussent associés à des litiges. Il s’agit surtout des chartes de collatione clerici, qui étaient dressées, généralement, à la suite d’un conflit entre les présentateurs du desservant d’une paroisse donnée. Leur contexte judiciaire appelait une rédaction très différente de celle d’autres collaciones clerici, qui avaient un caractère épistolaire14 et qui étaient écrites, à Braga, dans la Chancellerie stricto sensu, par des notaires de l’archevêque.

À ces types de documents s’ajoutait pour finir, et sans surprise, un petit nombre de textes relatifs aux différentes étapes de la procédure (audition de témoins, prolongation du délai de comparution…

III. Les scribes des actes

Tous les actes commandés à l’Audience de Braga par des juges délégués (vicaires de l’archevêque à qui était commise la capacité de jus dicere, c’est-à-dire de juger) entre 1278 et 1325 ont été préparés par des notaires publics (tabeliães públicos) présents à l’Audience et qui, à la demande des parties, consignaient, en forme d’instrument public (instrumentum publicum), le résultat du jugement. Autrement dit, ces actes étaient écrits par certains tabellions publics de Braga15, au cours de leur activité in judicio16, avec le but de conférer à l’écrit la fides publica. Ce fait est d’autant plus significatif que, à Coimbra, les responsables de l’écriture des actes de l’Audience jusqu’au dernier quart du xiiie siècle sont précisément des tabellions de la curie épiscopale (tabeliães da cúria) et des clercs-écrivains jurés (escrivães jurados)17. Après 1277, et certainement à la suite d’une décision royale, il est interdit aux scribes de la curie épiscopale de Coimbra d’utiliser un seing manuel18, qui les identifiait comme détenteurs de la foi publique, et ils sont toujours désignés comme escrivães jurados19 : des notaires privés, donc, pas des tabellions publics. Mais, à Braga, la rédaction des textes est, elle-même, typique de la production des tabellions (c’est-à-dire, des actes publics) et le seing manuel y fut toujours employé comme signe de validation : du point de vue diplomatique, de par leur origine, tous ces actes sont notariés20. Ces tabelliones publics21 voyaient reconnue leur auctoritas, conférée par l’archevêque (qui était le seigneur temporel de la ville), pas seulement pour la rédaction des documents de l’Audience, mais aussi pour la validation des actes à l’extérieur de l’institution. On ne peut donc les confondre avec ces notarii sedis ou notarii episcopi choisis, en d’autres diocèses, par leurs prélats pour écrire les actes judiciaires de l’Audience, et qui, au fil du temps, sont devenus des publici notarii auctoritate domini episcopi. Ceux-ci ne doivent certainement pas être confondus avec les tabeliães publicos nommés généralement par le roi, mais à Braga (comme à Porto) par le prélat comme seigneur de la ville.

IV. Les formulaires utilisés

Le fait que les documents strictement judiciaires (c’est-à-dire produits dans le cadre d’une procédure effective) ou même que les públicas formas ne nous soient connus qu’en tout petit nombre, m’a incitée à étendre l’examen des formules jusqu’aux jugements et aux actes d’administration ecclésiastique composés au sein de l’Audience, parce qu’ils sont seuls en mesure de fournir un échantillon tant soit peu fiable.

L'examen séparé de ces deux séries de documents, jugements et compositions d’une part, actes d’administration de l’autre permet en effet de vérifier l'existence d'un discours diplomatique propre à chaque groupe. Il y avait certainement plus qu’un seul formulaire qui pouvait être suivi en chaque cas, et le choix dépendait uniquement du tabellion chargé d’écrire l’acte.

IV.1. Sentences et compositions

Après 1288, les actes de juridiction présentent seulement une formule du protocole : l’invocation. Il y a une seule exception, peut-être parce que le document en cause n’est pas un jugement ou une composition, mais un acte de renonciation à un droit revendiqué en justice. Les invocations apparaissent sous une seule forme : In nomine Domini, amen.

Quand il n’y a pas d’invocation, ou après cette formule, les textes commencent avec la notification, toujours formulée d’une façon assez commune : Noverint universi [presentem seriem inspecturi22] quod…

La notification est immédiatement suivie de la déclaration des circonstances qui ont conduit à la délivrance du document, c’est-à-dire l’exposé (narratio). Le contenu, comme à l’habitude, est varié : désignation des parties en procès, comme des juges commis à l’affaire, description de la procédure, nom du tabellion et des témoins présents… Cinq fois est précisé le lieu (tribunal) où se déroulent les débats. L'ordre dans lequel ces différents éléments apparaissent varie légèrement, mais les formulations les plus communes sont :

a) [cum] coram venerabili viri... vicario ecclesie Bracarense, me etiam AA publico tabellione Bracarensi adhibito et presente ac testibus infrascriptis, in claustro ecclesie Bracarensis loco soleto pro tribunali / in claustro ecclesie Bracarensis in loco qui dicitur audiencia / pro tribunali sedente in audienciam Bracarensis, inter XX ex parte una, et YY ex altera, super… questio verteretur.

b) cum inter XX ex parte una et YY ex altera, super…, coram venerabilibus viris… vicariis, me etiam AA tabellioni Bracarensi adhibito et presente ac testibus infrascriptis questio verteretur.

Parfois, le processus antérieur est résumé dans une expression du type post multas altercationes habitas / tandem post diversas raciones habitas…

Le dispositif, c’est-à-dire la décision du ou des juges, normalement vicaire(s) de l'archevêque, suit, généralement introduit par quod. Les scribes utilisent, dans les sentences, des verbes dispositifs comme mandavit, tulit [sentenciam] et pronunciavit. Dans les compositions, les verbes s’effacent devant des expressions telles que Ad talem compositionem devenerunt XX et YY, XX et YY fecerunt tale pactum, etc.

En général, les sentences, pas plus que les compositions, n’ont de clauses finales. Ainsi, après l'énoncé de la décision, le notaire passe immédiatement à la clause de corroboration. Celle-ci est complexe23, puisqu’elle peut comporter au moins cinq éléments : une introduction, la iussio, l’annonce du seing ou d’un autre signe de validation, l’annonce des témoins présents et la nota de délivrance du document. Les actes écrits à l’Audience du siège de Braga utilisent seulement trois de ces éléments, dont l'ordre varie quelque peu par rapport à ce que nous venons d’énoncer. En effet, à l’annonce des témoins succède généralement l’identification du tabellion (présent a rogo das partes), qui, à la demande des parties (ou du juge), écrivait le document et le validait de son seing. Avec quelques variations, la formulation-type est la suivante :

Qui presentes fuerunt… Ego vero AA tabellio memoratus ad hoc adhibitus et rogatus hiis omnibus interfui ad instanciam jamdicto XXX confeci inde hoc publicum instrumentum et signum meum infrascriptum eidem apposui in testimonium premissorum.

Les actes finissent habituellement avec la date, mais, en quelques cas, celle-ci est donnée au début du document, au sein du protocole, avec la formulation suivante : Sub era…, scilicet… kalendas/nonas/idus, complétée du mois. Quand cela arrive, la datation est à nouveau mentionnée à la fin, mais sous forme de résumé : Actum Bracare, era…/anno et quoto supradictis. La date de lieu, toujours présente (Bracare), est introduite par le mot Actum, et souvent fait connaître précisément le lieu où l’acte a été commandé ou rédigé : in audiencia Bracarensis, in claustro ubi solet audientiam fieri. Si la date est énoncée d’une façon complète, on utilise l’ère d’Espagne (era) avec les divisions du mois par les calendes, les nones et les ides (quantième romain).

IV.2. Les collations des clercs

Les actes de collationes clerici n’ont pas une répartition temporelle uniforme : trois seulement ont été écrits avant 1292, et tous les autres (avec une exception24) entre 1292 et 1294, période qui correspond à un épisode de vacance du siège.

Contrairement à ce qui se passe avec les documents de juridiction, le formulaire choisi pour la rédaction de ces actes n’est pas uniforme, bien que tous ces documents présentent une référence au(x) juge(s) ou à la cause qui opposait les parties en litige, ou bien encore à l’Audience.

Seuls quelques actes mélangent le protocole typique des sentences avec celui des cartas de collatione communes qui, dans la chancellerie archiépiscopale de Braga, étaient rédigées en forme épistolaire. D’autres actes de ce type utilisent une seule formulation notariale, relativement proche des modèles judiciaires souscrits par des tabellions publics. Il faut aussi remarquer que tous les documents ont été validés par le seing manuel du tabellion. Seuls deux actes appartenant à ce groupe25 font exception, pour avoir été validés par le sceau pendant du juge commis par le doyen et le chapitre de Braga à la résolution des causas concernant deux églises26.

Les deux formulaires identifiés sont les suivants :

(a) XX judex deputatus a venerabilis viris…, in causa que verterebatur inter Y ex parte una et Z ex altera. Omnibus parrochianis ipsius ecclesis de… et omnibus aliis que idem ecclesie tenentur in aliquo, salutem in Domino Jhesu Christo. Noveritis quod ego… ex potestate mihi tradita et concessa a venerabilis virisinstitui et instituo FF in rectorem… [et seulement dans les deux cas cités : In cujus rei testimonium sibi concessi has patentes licteras sigili mei munimine communitas]. Datum Bracare, era…

(b) In nomine Domini, amen. Noverint universi quod in presencia mei AA tabellionis publici Bracarensis [me AA tabellione publico Bracarense presente] et testium subscriptorum, in causa que vertebatur coram venerabile viro YY judice dato a venerabilis viris…, inter X ex una parte et Z, pro tribunali in claustro Bracarensis ecclesie ubi solet audiencia fieri, super… instituit in rectorem ecclesie… Qui presentes fuerunt… Ego vero AA tabellio supradictus qui premissis rogatus interfui in loco supradicti, ad instanciam FF rectoris supradicti hoc publicum instrumentum inde confeci et signum meum in eodem apposui in testimonium premissorum. Actum Bracare era…

Conclusion

À la fin du xiiie siècle, la chancellerie archiépiscopale de Braga connaît une période de changement dans son organisation, changement qui se traduit, sans surprise, dans l'écriture des actes. Dans cette institution ont été produits principalement des actes judiciaires, qui, dans la plupart des cas, n’indiquent pas leur scribe, et dont la forme la plus largement utilisée de validation a été l'apposition de sceaux (de l’archevêque, du chapitre, de la curie, des vicaires ou même des chanoines…), isolés ou non.

La première référence à l’Audience (tribunal devant lequel étaient portées toutes les affaires relatives à la juridiction ecclésiastique du diocèse), en 1272, est, sans doute, un signe de ce changement. De là, les scribes ont commencé à élaborer les documents préparatoires ainsi que l’issue des procès, avec l’autorité des juges et/ou vicaires présents. Mais plus important que le tribunal même, semble le fait que tous les documents soient écrits par des tabellions publics de Braga (et non par des écrivains jurés ou des notaires privés du siège archiépiscopal), et validés de leur seing manuel, ce qui leur confère immédiatement la qualité d’actes notariaux.

Il reste encore quelques dizaines de ces actes. Faute d’un formulaire propre de l’Audience (ou de la Chancellerie archiépiscopale), j’ai essayé d’identifier les formules utilisées par les scribes de l’Audience du siège de Braga dans chaque type documentaire. La persistance de certaines parties du discours diplomatique, de même que la répétition de certains mots, amène à penser que les différents tabellions publics qui écrivaient à l’Audience suivaient des modèles plus ou moins communs à tous.

Les formulaires ainsi reconstitués ne sont certainement pas des outils de la seule Audience de Braga. Le point important ici est qu’ils sont utilisés dans les « bureaux » du siège de Braga, mais seulement à l’Audience et non pas à la Chancellerie elle-même. On ignore, pour le moment, ce qui se passe dans les autres Audiences épiscopales portugaises, ou mieux, si les documents étaient écrits par des notaires privés, sur la base ou non de formulaires des tabellions publics ; ou encore, inversement, s’il y avait des formulaires spécifiques dans chaque siège.

Il ne me semble pas inintéressant non plus de vérifier si les tabellions publics que l’on rencontre habituellement à l’Audience (écrivant des documents, naturellement, mais aussi comme témoins, et qui jamais ne s’identifient comme tabellionis Bracarensis civitatis mais uniquement tabellionis Bracarensis), ont utilisé les mêmes formulaires en dehors du tribunal ecclésiastique, notamment dans les actes de juridiction de l’archevêque de Braga, qui était le seigneur temporel de la ville.

Ce qui est certain, c'est que, comme les actes étudiés le donnent à entendre, les publici tabelliones Bracarensis de l’Audience n’ont peut-être pas obéi à toutes les exigences des traités théoriques, mais ils ont certainement appliqué des règles générales du dictamen : en copiant des actes antérieurs, ou en cherchant parmi les formulaires disponibles le modèle le plus adapté à chaque circonstance, ils nous ont laissé un nombre appréciable de documents apparentés dans leur formulation, qui nous ont permis d’apercevoir ce que le passage du temps a fait disparaître : les formulaires de l’Audience archiépiscopale de Braga jusqu’à 1325.


1 Maria Cristina Almeida e Cunha, A Chancelaria Arquiepiscopal de Braga (1071-1244). Editoral Toxosoutos, s. l. 2005 [serie Trivium] ; Ead., « Die Kanzlei der Erzbischöfe von Braga, von den Anfängen bis 1244 », Archiv für Diplomatik, Schriftgeschichte, Siegel- und Wappenkunde, 49 (2003), pp. 123-163.
2 Il s’agit d’une période riche en changements du point de vue administratif, conséquence d’un développement culturel remarquable. On ne doit pas oublier que, au-delà de la culture du roi D. Dinis, patente dans les chansons dont il est l’auteur, c’est sous son règne que l’Université portugaise est fondée. Sur ce sujet, voir: Portugal em definição de fronteiras (1096-1325): do Condado Portucalense à crise do Século xiv, coord. Maria Helena Coelho e Armando C. Homem. In « Nova História de Portugal », vol. 3. Lisboa: Ed. Presença, 1996, pp. 635-691.
3 Alice Rio, « Les formulaires et la pratique de l’écrit dans les actes de la vie quotidienne (vie-xe siècle) », Médiévales 56 (printemps 2009), p. 11-22, à la p. 16 et n. 14, qui nuance l’expression “peu compétent” (en ligne, consulté le 21 septembre 2011 : https://medievales.revues.org/5525).
4Ibid.
5 Saúl António Gomes, « Observações sobre dois formulários eclesiásticos ». Humanitas, LIII (2001) p. 250.
6 Maurilio Perez, « Sobre el formulismo en la Diplomática Medieval ». Iacobus, Revista de Estudios Jacobeos y Medievales», 7-8 (1999), p. 119.
7 À Léon, nombre de formules apparaissent depuis le xiie siècle, ce que « deve estar en relación com el llamado renacimiento del s. xii. Estas fórmulas, plenamente activas en un siglo de extraordinaria recuperación cultural, suelen tener numerosas variantes, ya que los escribas que las usaban poseían los suficientes conocimientos de la lengua latina como para poder acomodarlas al contenido concreto de sus diplomas. » (M. Perez, « Sobre el formulismo... », p. 123).
8 . Sur la différence entre les types de documents du point de vue de leur conservation, A. Rio, « Les formulaires et la pratique de l’écrit…», spéc. p. 17-18.
9 Par exemple, le formulaire utilisé par le roi portugais Édouard Ier (1433-1438) est un ensemble de dictées du roi pour d’autres princes et seigneurs : Livro dos Conselhos de el-rei D. Duarte (Livro da Cartuxa). Edição Diplomática. Transcr. João Alves Dias. Lisboa: Ed. Estampa, 1982, p. XIII-XVI.
10 S. A. Gomes, « Observações sobre dois formulários…», p. 251.
11 . On connaît quelques formulaires qui étaient utilisés à la chancellerie royale portugaise à la fin du Moyen Âge : S. A. Gomes, « Testemunhos de formulários régios medievais portugueses ». In Os Reinos Ibéricos na Idade Média. Coord. Luis Adão Fonseca, Luis Carlos Amaral e Maria Fernanda Santos, vol. 3. Porto: Civilização Ed., 2003, p. 1295. On connaît aussi un petit formulaire, issu du monastère d’Alcobaça : S. A. Gomes, « Um formulário monástico português medieval: o manuscrito alcobacense 47 da BNL ». Humanitas, LI (1999), pp. 141-184.
12 Sur ce formulaire, S. A. Gomes, « Observações sobre dois formulários…», p. 252-259.
13 Ibid., p. 254.
14 Pilar Pueyo Colomina, « La Peste Negra en la Diocesis de Zaragoza : el registro de actos comunes del arzobispo Guillermo de Agrifolio (1348-1350) ». Aragón en la Edad media, nº 10-11 (1993), pp. 707-708.
15 Les tabellions ainsi désignés sont peu nombreux par rapport à tous ceux que l’on connaît par aillleurs.
16 Bernardo de Sá Nogueira, Tabelionado e Instrumento Público. Génese e Implantação (1212-1279), Imprensa Nacional-Casa da Moeda, Lisboa 2008.
17 Vocabulaire international de la diplomatique. Ed. Maria Milagros Carcél Ortí. 2ª Ed. Valencia: 1997, nº 302 d.
18 Ibid., nº 151.
19 Maria do Rosário Barbosa Morujão, A sé de Coimbra: a instituição e a chancelaria, Coimbra 2005, p. 287.
20 Cela est d'autant plus important que nous savons que, entre 1213 et 1244, les archevêques n'ont jamais eu recours aux tabellions pour élaborer leurs actes judiciaires, dont l'auteur matériel est identifié. Par ailleurs, onze documents sans « notaire » identifié, et considérés comme relevant de la Chancellerie épiscopale, sont des actes de juridiction concernant la compétence ou des droits ecclésiastiques.
21 Mais il n'existe aucune distinction entre notaires majeurs et notaires mineurs, comme c’est le cas en Castille à la fin du Moyen Âge : Francisco R. Marsilla de Pascual, « En torno a la Diplomatica episcopal y capitular castellana bajomedieval. Una aproximación ». Miscelánea Medieval Murciana, vol. XIX-XX (1995-1996), p. 159.
22 Cette légère modification ne se rencontre que deux fois, dans des documents qui, ne cessant pas d’être judiciaires, ne sont pas pour autant des sentences ou des compositions : il s’agit d’une reconnaissance du 10 mai 1280 (A. D. Braga, Gav. 1 das Igrejas, nº 72) et d’une confirmation du 20 octobre 1325 (A. D. Braga, Gav. 1 das Igrejas, nº 166 et nº 165).
23 Son objectif est, d'abord, d’expliquer que « c’est dans un souci de renforcer, de corroborer l’acte que les signes de validation sont prévus » (Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke, Benoît-Michel Tock, Diplomatique médiévale, s.l., Brepols, 1993, p. 84). Cependant, toutes les formules utilisées pour la validation des documents ne sont pas nécessairement présentes dans chacun ; certaines, de plus, ne nous sont connues que pour avoir été employées dans des copies ultérieures. Cela se produit, par exemple, dans de nombreux documents de la Chancellerie épiscopale de cette époque, où il a été apposé un sceau, généralement du prélat, qui n'est pas annoncé dans la corroboratio.
24 4 septembre 1321 (A. D. Braga, Gaveta 1 das Igrejas, nº 135).
25 25 février 1293 (A. N. T. T. Lisboa, Gaveta 19, m. 14, nº 3, fl. 17) et 17 mars 1294 (A. N. T. T. Lisboa, Gaveta 19, m. 14, nº 3, fl. 24).
26 Il convient de signaler que, dans l'un d'eux, la formulation est en tout point similaire à celle des lettres émises par les archevêques (acte considéré comme ayant été élaboré à l'Audience parce qu'il se réfère expressément au judex deputatus a venerabilibus decano et capitulo… in causa apellationis que verteberetur… (17 mars 1294).