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Les formulaires toscans d’ars notaria

Résumé

En Toscane, ainsi que dans les autres régions de l’Italie du centre-nord, les notaires médiévaux gardaient dans leurs études des recueils de formules, composés d’actes transcrits en entier ou abrégés, et de notes techniques. Conservés aujourd’hui en très petit nombre, ils étaient sûrement très diffusés. Le matériau concerne le droit privé canonique et civil, le droit féodal et judiciaire, les différentes institutions juridiques qui pouvaient servir à un notaire dans l’exercice de sa profession. La présente recherche porte sur les formulaires compilés par des notaires toscans des xiiie et xive siècles, période d’une importance fondamentale pour l’histoire de l’évolution de l’art notarial, non seulement dans l’Italie du centre-nord mais encore en de nombreux pays d’Europe.

Introduction

Tous les savants qui étudient l’ars notaria et l’histoire du notariat italien s’accordent, avec raison, sur le fait que la plupart des recueils de formules, schémas, modèles de contrats et autres types de documents qui venaient aider le notaire médiéval dans l’exercice quotidien de sa profession, ont disparu sans laisser aucune trace. Il est, par ailleurs, attesté que des anthologies, de divers types et ampleurs, étaient présentes dans presque tous les cabinets de ces techniciens du droit auxquels tout le monde devait avoir recours dans certaines occasions de la vie où s’avérait nécessaire l’intervention du notaire, c’est-à-dire pour la rédaction de pactes, contrats et documents permettant d’acquérir des droits, de les défendre et de transmettre ses dernières volontés.

Au début du siècle dernier, Harry Bresslau écrivait, dans un chapitre sur la genèse des documents de son célèbre traité de diplomatique, que, au Moyen Âge, quand les chanceliers et les notaires rédigeaient leurs actes, ils se servaient souvent de modèles, qui dans de nombreux cas constituaient de véritables formulaires, établis à partir de documents parfois modifiés ou abrégés1. Ces recueils qui, dans l’Italie du centre et du nord, furent produits même avant l’époque de la nouvelle exégèse du droit romain, sont, pour la plupart, perdus. C’est précisément de ces derniers que s’inspiraient les notaires pour rédiger leurs actes, qui pour cette raison présentent, en Toscane par exemple, une certaine uniformité et homogénéité dans leurs structures formelles et dans de nombreuses tournures, formules et expressions. Bresslau estime que Ranieri da Perugia, pour élaborer son œuvre majeure, l’Ars notariae, composée entre 1225 et 1245 et destinée à servir de manuel aux apprentis notaires, eut recours à différents formulaires aujourd’hui disparus. À l’autre extrémité du siècle, Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock écrivirent, dans le chapitre consacré à la genèse des actes de leur manuel de diplomatique, que pour la rédaction de ses documents le notaire médiéval disposait de formulaires, qui offraient des modèles fiables et éprouvés. Ces « brochures » étaient constituées de documents dérivant de l’expérience professionnelle du notaire lui-même, provenant de l’étude de collègues ou encore obtenus par voie de succession, d’un père notaire par exemple2.

Cependant, à plus d’un siècle de la reprise des études sur l’ars notaria, qui ont privilégié certaines œuvres produites par la célèbre école bolonaise, nous ne sommes pas encore en mesure de nous prononcer avec exactitude quant à la consistance des formulaires notariaux ni à l’ampleur des pertes, vu que ce type de source écrite ne jouit pas d’une grande fortune auprès des chercheurs, à quelques rares exceptions près. Comme le dénonçait, à juste titre, Vito Piergiovanni, historien du droit et spécialiste de l’histoire du notariat, il s’agit d’un genre littéraire qui, souvent négligé, pour une aridité présumée, mériterait une plus grande attention3. Il y a plus de cinquante ans déjà, un autre historien du droit, Francesco Calasso, avait souligné l’importance de ces textes, dans lesquels se trouvent les premiers germes de la science du droit et qui présupposent une élaboration ou bien une activité de la pensée qui, si elle peut apparaître modeste quand on la compare aux récoltes plus fécondes que donnera plus tard la réflexion juridique, est cependant importante si on la rapporte à son temps4.

Cette attention préconisée par Francesco Calasso, portée en particulier aux caractères de la culture juridique telle qu’elle nous apparaît à travers les documents d’un formulaire notarial dont il sera bientôt question, semble ne pas avoir retenu l’attention de Gino Masi qui, en 1943, publia une étude dans la collection Orbis Romanus de l’Université catholique de Milan, avec l’intention déclarée et « con la speranza di aver saldato questo prodotto della scuola notarile fiorentina alle tradizioni della romanità ». En réalité, l’auteur ne nous fournit aucune information sur cette prétendue école notariale de Florence, mais par contre il tente souvent de minimiser ce qu’un historien du droit, Paolo Grossi, a défini comme le « pluralismo giuridico » caractéristique de l’âge médiéval5. Nombreuses sont ses interprétations forcées visant à faire rentrer le formulaire dans les cadres du droit romain et romano-chrétien ; du coup il dépréciait l’existence des traditions, coutumes et institutions juridiques germaniques, pour la plupart d’empreinte longobarde, présents dans nombre de documents du recueil et qui sont définis avec mépris « sporadici e talvolta dubbi – forse perché semplicemente volgari – richiami al diritto germanico »6.

Nous le savons bien, l’apport de la culture germanique au processus créatif et à l’évolution de la science juridique médiévale a été longtemps sous-évalué et considéré avec suffisance par de nombreux chercheurs italiens, surtout durant la période de la forte opposition entre romanité et germanisme qui a caractérisé la fin du xixe et les premières décennies du xxe siècle7. Dans une communication présentée au congrès historique international de Zürich de 1938, le diplomatiste autrichien Hans Hirsch faisait observer, en reprenant et développant des thèmes déjà abordés, par exemple, par Heinrich Brunner et par Oswald Redlich, que la science du document doit être étroitement liée, presque jusqu’à coïncider avec l’histoire du droit, « da die Urkunde nun einmal eine Erscheinung des Rechtslebens ist » et que les diplomatistes devraient étudier avec une attention toute particulière le « Gewohnheitsrecht » et la « germanische Rechtsauffassung », vu que « die Germanen haben dem Urkundenwesen, das sie bei der Besitzergreifung römischen Bodens vorfanden, den Stempel ihrer Eigenart aufgedrückt »8.

Car, s’il est vrai que durant tout le Moyen Âge le droit romain fut toujours adapté et interprété en fonction des besoins et des exigences d’une nouvelle société bien différente de celle des siècles précédents, il est tout aussi vrai que dans la culture juridique de cette période – y compris l’époque de la nouvelle exégèse du droit romain – institutions, usages, actes formels et symboliques d’origine germanique (et pas seulement longobarde) continuèrent à survivre dans les transactions et à se refléter dans les formes documentaires des différents territoires et régions de l’Italie médiévale du centre et du nord. Nous nous limiterons ici à ne donner que quelques exemples : la présence réitérée du munduald, l’assistance accordée à la femme dans les contrats, le consentement exprimé par le fils en cas d’une vente effectuée par le père, l’usage fréquent du launechild ou meritum, les cérémonies d’investiture de biens et de concession de fief, avec le serment du fidelis vassallus suo domino et l’osculatio ad invicem, la preda, l’anagriph, la probantia per pugnam, la morgengabe, et d’autres encore.

I. Un formulaire florentin

Nous souhaitons examiner, en premier lieu, un formulaire notarial aussi important que rare, composé à Florence par un auteur inconnu, très probablement un notaire riche d’expériences culturelles et professionnelles, qui travaillait dans la première moitié du xiiie siècle, période cruciale dans l’histoire de l’évolution de l’art notarial dans l’Italie du centre-nord. L’œuvre, qui peut être considérée comme l’un de ces textes dont la genèse reste souvent obscure ou nébuleuse, même après leur édition – comme l’a écrit Gianfranco Orlandelli, l’un des meilleurs spécialistes de l’Université et de l’école bolonaise de notariat9 –, contient des exempla, ou modèles documentaires, ainsi que des notulae techniques utiles et précises destinées aux notaires. Manquent, par contre, les introductions théoriques et les explications de nature juridique qui caractérisent les traités dans lesquels, en plus de la partie formulaire, se trouve plus ou moins développée l’illustration théorique et doctrinale de toute la matière notariale, ou tout au moins du secteur ayant trait au droit privé.

Le manuscrit, sur parchemin, anonyme, anépigraphe et non daté, est conservé parmi les actes du fonds monastique de S. Piero a Monticelli, aux Archives d’État de Florence. Il est formé de trois cahiers, de quatre feuilles pliées en deux (8 feuillets) chacun, pour un total de 24 feuillets écrits recto-verso10. L’écriture employée est une minuscule notariale du xiiie siècle, posée et de petit module, caractérisée par une fragmentation des traits soignée et régulière et par une élongation discrète des hampes supérieures et inférieures des lettres. Les différents mots sont nettement séparés, les abréviations par suspension et par contraction sont très fréquentes, comme dans les actes notariés toscans de la même époque11. Le formulaire contient environ 150 documents, rédigés dans la forme objective typique de l’instrument public, au temps du passé et à la troisième personne12, avec diverses formules de souscription notariale et de nombreuses notulae doctrinales, pour la plupart séparées13. Quelques-unes toutefois sont apposées à la fin des documents14.

Comme nous le verrons plus loin, la matière de ce formulaire concerne le droit privé canonique et civil, le droit féodal et judiciaire, les différentes institutions juridiques, particulièrement de droit privé, qui pouvaient servir à un notaire du xiiie siècle dans l’exercice de sa profession. Certains documents sont transcrits presque en entier, y compris les noms des parties contractantes et des personnes intéressées, à différents titres, à la négociation ; mais le gros du manuscrit est constitué par des formules qui contiennent tous les éléments essentiels des diverses actiones complétant le dispositif (réserves, renonciations, pénalités, defensiones, exceptions, garanties, engagements de tout genre, etc.), mais contracte, synthétise, mentionne ou omet les autres parties de l’acte (dates et témoins par exemple sont toujours absents.

Déclarer qu’il s’agit d’un formulaire élaboré dans une école de notariat florentine, indépendante de l’école bolonaise, comme l’a écrit Masi, n’est qu’une affirmation dénuée de fondement. En effet nous ne disposons, sur un tel organisme, d’aucune information, du moins pour cette époque15. L’écriture du manuscrit peut être datée, grosso modo, du milieu du xiiie siècle. Le matériau documentaire du recueil remonte à une période comprise entre les dernières décennies du xiie et la première moitié du siècle suivant, une période où désormais l’instrument notarial se présentait sous une forme définie et assez homogène, même sur le territoire florentin. Le seul document portant une date est de l’année 1242. La mention de certains personnages nous reporte aux premières décennies du xiiie siècle : parmi eux, le comte Guido Guerra, l’évêque de Florence Ardingo, l’abbé Bartolomeo du monastère de S. Maria16.

Nous trouvons par ailleurs cités les notaires suivants : Berardo, Bolgaro fils de feu Bolgaro juge, Bruno juge et notaire, Gualterio, Gualterotto, Spedalerio. Le formulaire nous fournit bien peu de renseignements sur leur compte : Berardo est cité pour avoir rédigé un acte de vente dans un document du notaire Gualterotto17 ; Bolgaro fils de feu Bolgaro juge, le seul qui soit dénommé par son patronyme, est énuméré parmi les voisins dans l’une des deux opérations de vente dont l’acte notarié est rédigé par Bruno, juge et notaire18 ; Gualterio se désigne comme rédacteur d’un acte dans l’un de ses propres instruments19 ; Gualterotto stipule un acte de vente dans lequel est mentionné le susdit notaire Berardo20 ; Spedalerio enfin rédige un acte de vente à Florence, « in domo de Amideis »21. Bruno est le seul notaire à porter aussi le titre de juge ; il rédige deux actes de vente22. Dans le premier, daté de 1242, Guglielmino fils de feu Rustico de Leccio et sa femme Adaleita vendent à Vassallo fils de feu Ranieri de la Cacciata une terre située à San Giorgio, près du château de Leccio, lieu où est passé le document. L’un des témoins est Ugo fils de feu Ranieri. Selon toute probabilité, il s’agit du même personnage qui, dans l’acte suivant, stipulé lui aussi au château de Leccio, vend à son frère Vassallo une terre située au Rio de Leccio. Le texte de la première des deux ventes contient sous forme écourtée la souscription notariale : « Ego talis his omnibus dum agerentur rogatus interfui et cetera » (fol. 13v). Il s’agit d’une exception, comme le prouvent d’autres documents transcrits pratiquement en entier23. Une partie du formulaire (fol. 12-v) est consacrée expressément aux formules qui doivent être employées en fonction de la typologie et de la tradition des divers documents. Dans ce cas précis, nous trouvons la formule complète sous la rubrique « De subscriptione cuiuslibet instrumenti a se notario scripti »24.

Arrivé ce point, il nous faut préciser que le formulaire sous examen procède de la copie synchrone d’un texte antérieur, comme nous le révèlent, de façon manifeste, une série d’indices. Vers la fin du deuxième cahier, nous trouvons une table des rubricae primi quaterni, unique liste des documents présents dans le manuscrit. Le texte intégral originel devait se développer, en admettant qu’il ait contenu toute la matière comprise dans le petit manuscrit qui nous est conservé, sur 30 feuillets écrits recto verso, réunis en trois cahiers de huit feuillets chacun plus un fascicule de six feuillets (à moins qu’il ne s’agisse d’un quatrième cahier amputé de ses deux dernières feuilles parce que restées vierges). C’est sur le recto du feuillet 14 qu’est transcrite la liste des rubriques primi quaterni, qui se réfère donc aux documents occupant la première partie du premier fascicule (fol. 1-7v, jusqu’à « De pronumptiatione exbannimenti »). À partir de la rubrique « De sententia matrimoni » commençait, dans le manuscrit perdu, le second cahier, lequel finissait par la liste des rubriques. Avant cette table, nous trouvons deux longs documents rapportés presque sans abrègements, dépourvus d’intitulés et concernant des ventes de biens fonciers25.

Considérant que la matière primi quaterni est comprise dans les feuillets 1-7 de notre manuscrit, et que le second cahier (fol. 9-16) correspond aux feuillets 7 verso (partie finale) à 14 recto de la copie, on peut en déduire que le troisième fascicule (fol. 17-24) devait commencer par la « Donatio inter vivos » (fol. 14v) et se terminer par des documents compris dans les feuillets 20 ou 21 de notre exemplaire. Étant donné qu’aux feuillets 19 et 20 se trouvent deux longs documents ayant trait à une vente, comme dans la partie finale du deuxième cahier du manuscrit perdu (fol. 13-14 du manuscrit conservé), nous pouvons raisonnablement avancer l’hypothèse que le troisième cahier (fol. 17-24) devait, à l’origine, se terminer par l’instrument par lequel le comte Guido Guerra vendait son château de Vico. Le quatrième et dernier fascicule commençait donc (fol. 25) par l’acte de vente suivant26 et se terminait (vraisemblablement au fol. 30) par le document de vente de notre feuillet 24 verso, en admettant que – comme nous le verrons ci-après – le texte qui nous est parvenu rapporte la copie de tous les documents présents dans le manuscrit originel et ne contient pas d’ajouts. Il est fort plausible que la structure des deux premiers cahiers du texte perdu ait correspondu, à peu près, à celle que nous avons décrite. Certes, la reconstruction de la seconde partie que nous proposons (8+8 ou bien 8+6 feuillets, le quatrième fascicule commençant à l’actuel fol. 20) est raisonnable, étant donné que le format du cahier est d’usage fréquent, mais elle n’exclut pas d’autres reconstitutions possibles (bien que peu probables) : ainsi de l’hypothèse que les deux premiers cahiers auraient pu être complétés à l’origine d’un troisième et unique fascicule, contenant tous les documents transcrits à partir du feuillet 14 verso du manuscrit conservé. En exécutant son travail de copie, le scribe a eu soin, dans la plupart des cas, de faire coïncider la fin d’un document avec la fin du feuillet, laissant quelquefois, à cet effet, partiellement en blanc la moitié inférieure de la page, de manière à transcrire le document suivant sur un nouveau feuillet27.

Le manuscrit conservé procède donc de la transcription d’un texte précédent ; de la compilation, il est le codex unicus, le seul représentant ou témoin survivant de la tradition, du moins en l’état actuel de nos connaissances. En ce qui concerne son rapport avec le texte originel, il n’est pas possible d’établir s’il en descend directement ou si des versions intermédiaires étaient venues s’interposer entre ces deux états du texte. On peut noter que, en différents endroits, la copie ne respecte pas fidèlement l’ordre originel, ce qui explique – mais seulement en partie – ce désordre dans la succession des documents que Masi attribua à l’auteur du recueil : position qui lui a fait écrire qu’il manque au formulaire « una trama sistematica, cioè l’intendimento dell’autore di disporre la materia in un certo ordine rigoroso ». Ont été collectés « qua e là i tipi di atti più varii », et « un ordinamento preciso del materiale » fait défaut. Il serait donc inutile de chercher « un ordine logico [che] non si sarebbe trovato, né una successione a gruppi compatti di formule riguardanti i vari istituti del diritto privato »28.

Nous allons voir, au contraire, en exposant synthétiquement le contenu du manuscrit, dans l’ordre où se succèdent les documents, qu’il s’y trouve bel et bien une cohérence structurelle, si l’on a soin de se reporter aux critères adoptés par un notaire du xiiie siècle et si l’on tient compte de ses exigences professionnelles et des textes qui circulaient dans le milieu des notaires de l’époque et de la région en question. Et si cet ordre peut ne pas sembler logique, rigoureux et systématique, il est bon de rappeler que nous ne nous trouvons pas en face d’un manuel moderne destiné à l’enseignement dans une école proprement dite, mais face à un recueil de documents et notes qui devaient servir de guide à un notaire dans l’exercice quotidien de sa fonction. La partie finale est enrichie par des exempla qui représentent des variations sur certains thèmes fondamentaux bien précis déjà traités précédemment dans l’ouvrage.

II. De l’influence bolonaise

Étant donné que nous ne disposons pas d’autres recueils contemporains analogues, rédigés à Florence, et vu que dès l’époque d’Irnerio l’influence de la prestigieuse école de notariat bolonaise s’étendait aussi à la Toscane et à d’autres régions de l’Italie du centre et du nord, il ne semblera pas vain de se demander si l’auteur de notre manuscrit – où nous trouvons la formule ars notaria dans les titres de deux rubriques – n’avait pas sous les yeux quelque traité ou formulaire de provenance bolonaise, ou s’il ne s’est pas inspiré de tel de ces textes lus dans une compilation qui ne nous serait pas parvenue. Pour pouvoir répondre à cette question, et donc être en mesure d’établir les caractéristiques et les éventuels éléments de nouveauté contenus dans le formulaire florentin, il faut prêter quelque attention aux principales œuvres produites jusqu’au milieu du xiiie siècle au sein de l’école de notariat bolonaise.

II.1. La fabrique bolonaise

Vers la fin du xixe siècle, l’Université de Bologne reçut un cadeau d’anniversaire précieux et de grand intérêt, à l’occasion du huitième centenaire de sa naissance, qui tombait peu de temps après la proclamation du Royaume d’Italie. Dans le programme des célébrations solennelles préparé pour fêter cet événement figurait la publication de textes médiévaux réthoriques et juridiques ayant vu le jour à Bologne, et parmi ceux-ci l’édition de plusieurs œuvres fondamentales de l’école qui formait les notaires de la ville, école qui a contribué de façon déterminante au développement et au succès de tout le notariat italien. L’expression elle-même d’« ars notaria » fut conçue dans cette Université au début du xiiie siècle pour indiquer, précisément, l’application des méthodes de la science juridique renouvelée aux pratiques notariales traditionnelles29. Et c’est grâce à l’école bolonaise de notariat, à partir surtout du xiiie siècle, que la classe des notaires acquit une nouvelle autoconscience et put s’assurer le monopole de la « rechtskräftige Beurkundung » des actes juridiques de différentes natures en Italie et dans d’autres pays européens.

Les premiers résultats des initiatives scientifiques et éditoriales bolonaises furent la publication des trois volumes de la Bibliotheca iuridica medii aevi, promue et dirigée par Augusto Gaudenzi, jeune professeur d’Histoire du droit italien à l’Université royale. En 1888, Giovanni Battista Palmieri, élève de Gaudenzi, fit paraître dans le premier volume de cette collection un Formularium tabellionum et l’attribua par erreur à Irnerio. L’œuvre, qui reste la plus ancienne de celles qui nous sont parvenues de l’école bolonaise de notariat, est en fait d’un auteur inconnu, actif dans la ville aux premières années du xiiie siècle. Dans le deuxième volume (1892), Gaudenzi lui-même édita une œuvre de Ranieri da Perugia, écrite à Bologne dans la seconde décennie du même siècle, et l’intitula Ars notariae, alors que son titre originel était Liber formularius ou Formularium, comme le précisa Ludwig Wahrmund une vingtaine d’années plus tard30. Dans le troisième et dernier volume de la Bibliotheca iuridica le notaire Carlo Cicognari, disciple lui aussi de Gaudenzi, donna en 1901 l’édition d’un texte intitulé Summa notariae annis MCCXL–MCCXLIII Aretii composita. L’auteur était un élève de Ranieri da Perugia, que Salatiele qualifia dans son Ars notariae d’« Aretinus parabolanus » (« ce bavard d’Arezzo »)31.

La Summa d’Aretino s’inspire, dans sa partie formulaire, du Liber formularius de Ranieri da Perugia, avec toutefois des adaptations et des modifications imposées par leur application à un milieu différent, Arezzo et ses alentours. La partie théorique emprunte son contenu à une œuvre postérieure de Ranieri, l’Ars notariae, qui fut publiée par Wahrmund. Aussi bien le Liber formularius (1215 environ) que l’Ars notariae, œuvre à laquelle Ranieri travailla avec beaucoup de zèle pendant plus de vingt ans (1225-1245 environ) mais qui cependant resta inachevée, ont efficacement contribué à l’affirmation et au triomphe du notariat en Italie. C’est grâce à Aretino que le formulaire de l’école bolonaise fut introduit en Toscane où, dans les documents privés, étaient encore présents des formules et des usages du droit longobard et féodal, dont Ranieri avait tenu compte déjà dans son premier opus. Entre les œuvres de Ranieri et celle d’Aretino s’intercalent le Formularium super contractibus et libellis de Martino da Fano32 et l’Ars notariae de Bencivenne da Norcia, ce dernier ayant contribué à la diffusion du formulaire bolonais en Ombrie, dans les Marches et sur la côte adriatique33.

Peu après le milieu du xiiie siècle, le premier noyau de la célèbre Summa totius artis notariae de Rolandino Passeggeri était et se présentait comme une simple Collectio contractuum (comme elle est définie dans la préface), qui puisait en partie aux « compilationes et summae iuxta tunc viventium mores et consuetudines » rédigées « per quosdam prudentes viros » dans les temps passés (« antiquis temporibus »)34. Il est fort probable qu’ici l’auteur a voulu faire allusion non seulement au Formularium tabellionum pseudo-irnérien et au Liber formularius de Ranieri da Perugia, c’est-à-dire à des œuvres, alors récentes, produites quelques décennies auparavant, mais aussi et surtout à des formulaires d’époque antérieure et de différentes provenances, à d’autres recueils de « contractuum et instrumentorum formae et ordines » pas mieux identifiés et inconnus de nous.

Tandis que les auteurs et les compilateurs précédents avaient dans leurs formulaires présenté les contrats comme une succession de typologies plurielles et variées, ils ressentirent, à partir de Ranieri, l’exigence de donner des fondements théoriques et une organisation doctrinale rigoureuse à toute l’ars notaria. La présence d’introductions, de préfaces, de chapitres et de parties entièrement dédiés aux aspects théoriques et aux questions de méthode ainsi que de riches annotations sur les différents aspects de l’activité notariale caractérisèrent à partir de ce moment les œuvres des docteurs de l’école bolonaise et celles de leurs successeurs, dont l’enseignement fut accueilli favorablement aussi par les compilateurs des simples formulaires de contrats et d’actes judiciaires de la fin du Moyen Âge.

Ce profond renouvellement, qui dans des formulaires du xiiie siècle rédigés dans des milieux autres que Bologne n’est pas toujours évident, partit donc de l’école bolonaise de notariat, qui sut transformer en science l’antique pratique notariale, influencée et sollicitée dans ce rapide processus de développement par des stimulations et des requêtes provenant de l’Université et de la commune de la ville. L’initiative éditoriale de Gaudenzi, née dans le cadre des célébrations du huitième centenaire de l’Université, eut le mérite indiscutable d’attirer l’attention des chercheurs sur l’école de notariat de Bologne sur laquelle, à la fin du xixe siècle encore, les connaissances étaient assez limitées. Grâce aux travaux de recherche qui furent engagés à la suite de cette publication, nous sommes, aujourd’hui, en mesure de reparcourir les étapes du chemin qui aboutit à la Summa de Rolandino.

À Bologne, dès le début du xiie siècle, la nécessité de donner de nouveaux fondements à la doctrine, à l’activité et à l’organisation du notariat, était ressentie non seulement dans le monde des notaires mais aussi par les autorités académiques et municipales. L’œuvre composée par le célèbre juriste Irnerio, Lucerna iuris, au cours de la deuxième décennie du siècle nacquit dans ce climat politique et culturel. Une information nous reporte aux origines de la production scientifique et didactique de l’école bolonaise, nouvelle qui remonte à la littérature juridique des xiiie (Accursio, Odofredo) et xive siècles (Pietro de Anzola), selon laquelle Irnerio écrivit un formulaire de documents à l’usage des notaires, un recueil de schémas de transactions qui, hélas, ne nous est pas parvenu35.

L’école bolonaise, dont le premier grand maître fut précisément Irnerio, enseignait alors que la matière contractuelle devait s’articuler en quatre catégories fondamentales (les contrats d’achat-vente, les contrats emphytéotiques, les donations, les testaments), auxquelles toute autre forma devait être reconduite. Dans cette organisation quadripartite de la théorie des instruments, Irnerio eut le mérite indiscutable de moderniser la formule de l’emphytéose, éliminant ainsi du document le texte de la requête adressée au dominus-propriétaire par l’emphytéote, dans le but de placer les contrats dans le cadre des accords entre les parties (pactes bilatéraux), évinçant ainsi le concept de soumission féodale. Dans les transactions foncières, le secteur de la location et du bail, qui pendant de longs siècles avait fait partie du régime emphytéotique, gagna son autonomie, en accord avec les conditions et les exigences de la nouvelle économie de marché, dans un contexte social assez complexe, caractérisé par un important développement des activités commerciales et artisanales dans les villes communales. Une excellente formation professionnelle était assurée aux notaires par l’Université, où étaient élaborés les fondements de la culture juridique, qui se voyait ensuite appliquée dans les documents. C’est justement à cette époque qu’à Bologne furent définis le système théorique et le nouveau genre littéraire de l’ars notaria, qui acquit une spécificité substantielle et méthodologique.

II.2. Les inventions

Tandis que, dans les débuts du xiiie siècle, le compilateur inconnu du formulaire pseudo-irnérien continuait à respecter la subdivision traditionnelle de la matière en quatre types d’instruments fondamentaux, tout en ayant, par ailleurs, soin d’ajouter un cinquième livre consacré au genre des « pactorum et cautionum et aliorum contractuum extraordinariorum », dans le but de concilier le vieux schéma irnérien avec la nouvelle réalité économique et sociale, une dizaine d’années plus tard Ranieri da Perugia, dans son Liber formularius, introduisait un changement radical : il accueillait l’enseignement du célèbre Azzone, qui établissait une distinction entre domaine direct et domaine utile. Sous l’étiquette du premier il faisait rentrer les actes d’achat-vente, de donation et les testaments, tandis qu’il insérait sous l’enseigne du second (usage et usufruit) l’autre terme de la théorie traditionnelle, c’est-à-dire l’emphytéose avec tous les divers types contractuels de bail et de location.

De son côté, la commune, à la suite des profonds changements qui caractérisèrent les décennies à cheval sur les deux siècles, avait un besoin urgent, pour satisfaire à son activité politique et administrative, d’un nombre élevé de notaires compétents. Pour cela elle ne se contenta pas d’en choisir plusieurs parmi ceux qui exerçaient déjà sur place, mais elle s’organisa pour en nommer d’autres, après avoir soumis à examen ceux qui « ad artem volunt de novo notarie pervenire vel de novo ipsam artem exercere », comme on peut le lire dans la matricule des notaires bolonais, instituée précisément au début du xiiie siècle. Tandis que dans le Liber formularius Ranieri fondait son analyse sur le document, sur ses typologies et sur son processus de formation, à partir de la rogatio ou imbreviatura jusqu’à la rédaction du mundum de l’instrumentum, dans l’Ars notariae, qui est postérieure, le point central et l’objet même de l’œuvre est l’homme, considéré dans les divers moments de sa vie et sub specie des différentes actions juridiques pour lesquelles est requise l’intervention du notaire, comme par exemple les pactes et les contrats qui « fiunt hominum consensu et voluntate » et par lesquels on acquiert les droits (paciscendo), les documents ayant trait à la défense des droits (litigando) et ceux par lesquels se transmettent les ultime voluntates (disponendo), avec une tripartition de toute la matière ad summe Trinitatis honorem.

La connaissance des fondements de la science juridique devait donc servir au notaire, désormais doté de la publica fides, pour répondre, au mieux, aux exigences de l’homme, engagé à des moments différents et de façons variées dans l’affirmation de ses droits. La finalité didactique de l’œuvre est clairement énoncée : l’auteur veut fournir un « documentum generale de omnibus scribendis » dans une forme appropriée (« cum suis verbis specialibus »). Ce n’est pas par hasard que dans l’Ars notariae Ranieri consacre beaucoup de place à la matière judiciaire, sollicité par les besoins et les requêtes de la commune et par l’Université, mais poussé aussi par une vision organique des différentes actiones de l’homme, raison pour laquelle la matière judiciaire est en étroite connexion avec la matière contractuelle.

Les types et les formes des documents d’une part, les principes du droit de l’autre, ne sont pas ici considérés que sur le plan théorique ni même conçus comme deux mondes différents et distincts, mais comme des moyens et instruments de connaissance et d’intervention, grâce auxquels, à travers la doctrine de l’école de droit, on arrive à la formation d’un professionnel de haut niveau culturel, très compétent, auquel le système juridique reconnaissait la pleine validité de la documentation qu’il produisait. La leçon et la méthode de Ranieri trouvent leur application dans la Summa notariae de l’Aretino, dans laquelle, après une première partie « de contractibus et pactis », vu que « ex ipsis iudicia prodeant » la deuxième partie traite « de iudiciorum ordine » et enfin la troisième, « de ultimis voluntatibus ». Comme dans l’œuvre majeure de son maître, l’Aretino articule chacune des trois parties autour d’une section théorique et d’une section formulaire.

Au cours de ces mêmes années, à Bologne, tandis que Ranieri achevait son activité sans avoir pu compléter son opus egregium, Salatiele travaillait à la première rédaction de son Ars notariae, où la matière judiciaire est pratiquement inexistante. Partant du principe que l’ars notaria, essentiellement fondée sur le Corpus iuris, a le devoir d’enseigner aux notaires les façons de rédiger l’instrument parfait, là où la doctrine et la pratique judiciaires visent, de par leur nature, à en détruire la force juridique, Salatiele donna donc à son traité une orientation rigoureusement « civilistique » et – s’éloignant radicalement de la pratique de son temps – il prit surtout en considération les actions contractuelles de l’homme, non seulement pour en conserver intacte la mémoire mais aussi pour faire en sorte que « sopiuntur lites, iurgia evanescunt »36.

Dans la prestigieuse école bolonaise de notariat, l’œuvre de Salatiele, publiée en 1242, trouva de nombreux admirateurs, mais aussi beaucoup de détracteurs et critiques sévères, dont faisait partie, en première ligne, Rolandino. Sans contester sa cohérence et sa rigueur sur le plan purement théorique et méthodologique, ces critiques dénonçaient surtout, et à juste titre, l’absence d’une partie consacrée à la matière judiciaire, dont le notaire était de plus en plus appelé à s’occuper. Avant de présenter la seconde rédaction de son Ars (1254), où la partie théorique (« propter scire ») est nettement plus développée que la partie documentaire (« propter operari »), Salatiele décida alors de s’occuper de la matière judiciaire dans une Summula de libellis, présentée comme supplementum de son œuvre majeure37.

Avec Salatiele l’ars notaria a atteint les sommets de la doctrine juridique ; toutefois le ius civile n’accordait aucune place aux traditions et usages différents, et ignorait totalement la matière judiciaire. En net contraste avec cette ligne méthodologique, qui se reflétait profondément dans la formation professionnelle, dans le rôle social de la classe et dans la physionomie même de l’institution notariale, Rolandino Passeggeri, dès la préface de sa Collectio contractuum de 1255, recommandait aux notaires de suivre dans leurs documents la pratique du temps. Il réitèra le conseil une vingtaine d’années plus tard, avec une autorité plus grande, dans sa Summa totius artis notariae, œuvre à succès et de grande diffusion, qui reprenait en substance la tripartition de Ranieri (« de contractibus et pactis, de testamentis et ultimis voluntatibus, de ordine iudiciorum »). En outre, tout comme ce dernier avait doté son Ars d’un chapitre final contenant une série de conseils sur la rédaction des documents, Rolandino conclut sa Summa sur une partie à caractère général, « de exemplificationibus et refectionibus scripturarum », subdivisée elle aussi en trois parties.

Grâce à cette œuvre bien articulée du point de vue pédagogique, claire et moderne, l’école bolonaise de notariat disposait d’un texte fondamental pour l’enseignement de toute la matière notariale. Toutefois, il nous faut souligner – et nous le ferons avec plus de précision en revenant au formulaire florentin – que les normes de droit romain proposées par les doctores en droit et en ars notaria de Bologne, souvent caractérisées par de profondes modifications et innovations apportées au Corpus iuris, s’affirmeront et se répandront avec une certaine lenteur, due sans doute à la coexistence et parfois même à l’« impatto più o meno brusco con altre costumanze, altre tradizioni culturali, giuridiche e politiche »38.

Tandis que, dans les siècles antérieurs à la renaissance juridique et à la constitution de l’école bolonaise de notariat, les rédacteurs d’actes privés avaient dû se servir de formulaires schématiques, qui ne répondaient pas toujours aux nécessités d’une société en profonde transformation sur le plan économique, politique et culturel, ils purent, grâce au formulaire pseudo-irnérien et surtout aux œuvres de Ranieri da Perugia, de ses collègues et élèves, disposer désormais des instruments professionnels adaptés aux besoins du monde citadin du xiiie siècle, dans lequel continuaient à coexister sans trop de conflit des éléments de droit romain, germanique et féodal. Un exemple particulièrement significatif des profondes innovations introduites par les glossateurs, les commentateurs et les docteurs en ars notaria est représenté par l’interpretatio du concept de dominium, qui dans le Corpus iuris civilis indique l’appartenance d’un bien à un sujet et donc ne peut être « ni limitable ni soumis à condition », alors que les interprètes du Moyen Âge firent en sorte de distinguer un dominium direct (substantia rei) et un dominium utile (utilitas rei). Ils partaient donc de l’objet et non du sujet propriétaire, de façon à tenir compte, au niveau du dominium partagé, d’une série de situations diverses telles que l’emphytéose, le fief, les concessions à bail, la location à long terme et d’autres encore, toutes de grande importance dans la société de l’époque. Au propriétaire fut donc reconnu le domaine substantiel et direct, tandis que le domaine utile revenait à celui qui jouait un rôle actif dans la vie économique.

Une distinction analogue fut introduite dans la locatio-conductio rei d’origine romaine. Dans ce cas aussi l’objectif était d’adapter et de conformer aux exigences des temps nouveaux le texte du Code justinien : pour la location à court terme restait valable la norme classique du droit romain relative à la simple détention du bien, tandis que pour la locatio ad longum tempus on reconnut, dès la fin du xiie siècle, que la longue résidence du concessionnaire sur les biens immeubles et fonciers se reflète et produit aussi des effets sur la qualité juridique de cette présence. On créa ainsi un contrat de location à long terme, qui conférait à l’occupant un droit utile et lui reconnaissait la qualité de dominus utilis pour toute la durée du contrat39.

Sur le plan de la forme des documents, le passage du régime de « Dualismus charta-notitia », pour le dire avec les diplomatistes allemands, au triomphe de l’instrument public s’était imposé dès avant la diffusion des œuvres bolonaises d’ars notaria dans l’Italie du centre et du nord. Il s’agit d’un acte entièrement rédigé sous forme objective, à l’exception de la souscription finale du notaire stipulant. Comme le mundum, l’imbreviatura avait désormais une valeur juridique. Le notaire doté de publica fides la consignait dans un registre approprié. C’est justement à partir de l’imbreviatura que le notaire pouvait développer le mundum de l’instrument in publicam formam à la demande des parties. À l’impressionante variété des formes du document privé à caractère dispositif et probatoire, qui avait marqué le paysage documentaire jusqu’au xiie siècle, se substitua à l’âge de la « diplomatische Renaissance » (H. Brunner) la structure substantiellement uniforme et homogène de l’instrument rédigé par le notaire, lequel – comme le précise Salatiele dans la préface de son Ars notariae – est une personne publique, qui exerce une fonction publique, et qui garantit la mémoire écrite de toute action ou fait juridique avec pleine crédibilité40.

II.3. La réception à Florence

Après avoir illustré rapidement les principales caractéristiques des œuvres majeures d’ars notaria produites par les maîtres bolonais de l’école de notariat, nous pouvons revenir au formulaire florentin, pour tenter d’établir si ou bien en quelle mesure l’auteur inconnu s’est inspiré de l’un de ces textes. Dans le manuscrit qui nous intéresse, non seulement il manque une préface, une section ou un chapitre dédiés à la présentation générale et à la répartition de la matière (« de rerum divisione et actionum varietatibus »), que nous trouvons au contraire dans les traités d’ars notaria à partir de Ranieri da Perugia, mais en outre la succession des différents actes ne semble pas suivre – du moins à la première lecture – un ordre visant à en simplifier la consultation, pas même à l’intérieur du premier cahier, qui est le seul à être pourvu d’une table des diverses rubricae41.

Les œuvres de l’école bolonaise qui pouvaient être connues de l’auteur de notre texte étaient le formulaire perdu d’Irnerio (1120 environ), le formulaire pseudo-irnérien (1205), le Liber formularius de Ranieri da Perugia (1215) et deux traités qui remontent précisément à ces mêmes années, c’est-à-dire l’Ars notariae de Ranieri (1225-1245) et la Summa de l’Aretino (1240-1243). Comme nous venons de le voir, dans ces deux dernières œuvres est accueillie aussi la matière judiciaire (de iudiciis), qui manquait dans les formulaires précédents et que Salatiele avait exclue de propos délibéré de son Ars notariae (1242 et 1254), mais dont il s’occupa dans la Summula composée pendant la décennie comprise entre la première et la deuxième rédaction de son Ars notariae. Il serait donc légitime d’avancer l’hypothèse que notre auteur ait pu fréquenter l’école de Bologne, connaître quelques anciens élèves, avoir lu un formulaire ou un traité provenant de Bologne ou simplement influencé par le modèle bolonais (p. ex. la Summa de l’Aretino), et que toutes ces circonstances auraient pu avoir une influence sur lui et l’induire à insérer des documents de iudiciorum ordine en complément de la matière contractuelle et testamentaire. Nous reviendrons ci-après sur cet argument ; pour l’instant nous nous limiterons à dire que la présence d’exempla concernant des actions judiciaire peut facilement s’expliquer, en rappelant qu’à cette époque l’activité d’un notaire florentin pouvait aussi inclure la matière judiciaire. Nous savons que pour cette raison aussi le magistère de Ranieri, de Rolandino et de leurs disciples, où la pratique joue un rôle fondamental, a connu un succès majeur et plus durable que celui de Salatiele, trop théorique et rigidement civilistique.

Passons maintenant à un rapide examen du contenu de notre formulaire. La place des notulae disposées dans la partie finale des différents documents ou mises en évidence par des pieds de mouche après une série de textes d’égale ou semblable nature, indique que le travail de transcription des documents, opportunément modifiés et abrégés pour pouvoir servir de modèles, avait été précédé d’une phase de sélection et de classement des actes par groupes homogènes, que les notae doctrinales contribuaient à rendre plus limpides. Les exempla choisis pour le recueil ne sont généralement pas de simples copies, partielles ou intégrales, de documents déjà rédigés. Ils contiennent des parties ajoutées par l’auteur (introduites par vel, item si, verum, preterea, vel aliter, et nota quod, vel ita, et si, verum si, alioquin, insuper, tamen, et sic facias, si vero, si autem, set in fine dicas sic, etc.), où sont examinées des situations et des conditions diverses qui nécessitent des rajouts, des adaptations ou des modifications de certaines parties du document originel ayant servi de socle.

Le modèle d’acte, bien que tiré des événements de la pratique quotidienne, contient souvent une ou plusieurs variations, que le lecteur-notaire peut trier en fonction des cas concrets qui, de jour en jour, se présentent, « mutando ea que mutanda sunt » à partir d’exemples déjà connus (ut in antea continetur, ut supra) ou qui suivent (tali modo, prout breviter videri potest, etc.). Toute la matière regroupée dans le formulaire est le produit d’une élaboration destinée à faciliter la tâche du notaire, qui en fréquentant les études d’autres collègues pouvait disposer de copies de documents rédigés à la demande de clients, et parfois même de recueils plus ou moins riches et élaborés de formae variées. Dans notre manuscrit, nous trouvons souvent des instructions, des enseignements et des conseils précis sur la rédaction et la formulation des documents (« scribere vel ordinare »). Ces auxilia sont introduits dans le texte par des expressions du type « sciendum est tamen quod », « et est notandum quod », « et nota quod », « et si (…) dicas ita », « si vero (….) dicas hoc modo », « et sic scribendum est », et similaires. Dans les œuvres principales de Ranieri, Salatiele et Rolandino, ils font l’objet de chapitres ou de sections entières, bien distincts et disposés à cet effet.

Le formulaire commence par différents actes de donation, d’assignation de dot et de paiement de dettes. Viennent ensuite des documents d’affranchissement de colons et de serfs, de vente de terres, de concession de prêt et de promesse d’extinction de dette, d’achat ou de vente de choses ou d’animaux, de baux à cheptel, de procuration et de mandat spécial et générau, de renonciation à des héritages, d’accord et pacte ayant trait à des servitudes prédiales et à l’utilisation de biens communs, à l’attribution et aux devoirs du munduald, à la location de terrains, à l’adoption d’enfants. Après cette première partie, pratiquement consacrée à des pactes et contrats de différente nature qui « fiunt hominum consensu et voluntate », comme les aurait définis Ranieri da Perugia dans son Ars notariae, suit une partie « de iudiciis ». Elle commence par un exemple de sentence prononcée par des arbitres désignés par les parties en litige, puis l’on passe à plusieurs types de documents concernant des actiones in curia : instances d’appel, présentations de témoins, requêtes de justice, sentences prononcées par des juges (dans un cas de divorce, il s’agit de la brève sentence rendue par un ecclésiastique). Dans les cas qui précèdent comme dans ceux qui suivent, le notaire recevait de la part du client ou de l’autorité publique la charge d’établir la documentation concernant une action en justice, qui pouvait présenter des aspects plus ou moins complexes, et du coup demander la rédaction de différentes pièces. Leur présence et leur place apparemment incongrues à l’intérieur du formulaire peuvent donc s’expliquer par le fait qu’elles reflètent les différents moments, stades et passages de l’iter d’une actio et de tout son arsenal.

La dernière sentence contenue dans le formulaire concerne une societas désormais dissoute. C’est tout ce que le compilateur anonyme nous offre en matière de société, mis à part deux annotations (fol. 1v « De fine facta pro parte debiti », fol. 3v « De mutuo et dotrina artis »). Suivent deux exemples de documents concernant des accords sur la construction de murs mitoyens. Après divers actes d’engagement prémarital, où sont énumérées les obligations à la charge des parties, adaptées aux cas particuliers, nous trouvons une série d’accords et compositions de litiges et procès, suivis d’une notice (breve) de dépôt d’argent super altare de la part d’un débiteur, après que le créancier avait refusé de recevoir la somme d’argent qui lui était due. Nous trouvons ensuite quelques documents contenant divers cas et modes d’élection d’ecclésiastiques. Les exemples suivants sont de toute autre nature. Ils se réfèrent aux rapports entre serfs et patrons, entre vassaux et seigneurs, caractérisés par un serment de fidélité (« sicut fidelis suo domino ») et par des promesses : prestations de services, redevances de dîmes et paiement de loyer dans le cas des serfs et colons ; engagement de prêter auxilium et consilium de la part du vassal qui reçoit de son dominus l’investiture recti feudi.

Vient ensuite un groupe de documents qui concernent la matière testamentaire, qui faisait déjà l’objet d’une section à part dans le formulaire d’Irnerio, puis dans le formulaire pseudo-irnérien et dans les œuvres suivantes du xiiie siècle. Le premier exemple de testament est précédé d’un titre général (« De testamentis et ordine testamenti et ultime voluntatis ») et est introduit par un exordium qui est relié par « ideo » à la partie dispositive. Suivent divers types de testaments et exemples d’inventaires de biens rédigés par le notaire à la demande de tuteurs, mundualds et exécuteurs testamentaires, dans l’intérêt des héritiers mineurs et adultes, hommes ou femmes. Dans le second cahier nous trouvons une note sur le preceptum guarentigie, par lequel le notaire – en vertu du capitulum constituti et guarentiscie Comunis Florentie – avait le pouvoir d’imposer aux parties l’observance des obligations contractées dans l’acte stipulé par ses soins42. Suivent une quinzaine de modèles de souscriptions notariales, deux longs actes de vente et la liste des rubriques du premier cahier. Les formules que le notaire doit placer en fin du document, « posito et facto signo », sont d’un intérêt tout particulier. Elles varient selon que l’acte est écrit et souscrit par le notaire ou qu’il est authentifié par lui mais écrit par un autre notaire, ou encore qu’il est écrit par lui mais à la demande d’un autre notaire, ou écrit après la mort d’un collègue (sur mandatum du défunt ou bien du podestat). D’autres formules se réfèrent à des originaux et des copies d’actes publics et privés, que le notaire rédige ou copie, puis souscrit, à la requête d’autorités publiques (juge, podestat) ou d’autres notaires.

Quant aux deux longs contrats déjà cités de vente-achat de biens fonciers, ce sont les seuls documents dont le texte n’est pas précédé du nomen iuris de l’action juridique documentée. Rédigés tous deux par le même notaire, ils concernent l’achat de terrains qu’un certain Vassallo de feu Ranieri rachète à son propre frère et à deux époux. Ils se présentent comme des copies pratiquement intégrales de deux instruments dotés du preceptum guarentigie, rédigés sous forme subjective comme la vieille cartula dans la première partie, tandis que la seconde partie est développée sous forme narrative et à un temps du passé, c’est-à-dire dans la forme que l’instrumentum hérite du breve recordationis. Dans le premier document, la datation est plus complète (« millesimo CCXLII, die tali et cetera, indictione tali et cetera »), dans le second elle est à peine mentionnée (« die tali et cetera »). Les signa manuum des auteurs et témoins présents dans le premier document ainsi que la « Rogationsformel des Ausstellers », manquent dans le second. Ce document est également dénué de la souscription du notaire, qui dans l’autre document est présente sous une forme abrégée. On peut formuler l’hypothèse que ces deux documents, dépourvus de titre et recopiés presque in extenso à la fin du second cahier du manuscrit originel, avant la liste des rubricae primi quaterni, ont été directement pris sur des originaux avant la remise aux clients, ou extraits de copies « de service » que le notaire conservait dans son étude. Mais il est aussi possible que le rédacteur de notre petit manuscrit, après avoir trouvé à la fin du second cahier les parchemins non reliés contenant la copie du mundum des deux ventes, les ait, à son tour, transcrites en laissant tomber les parties minus utiles dans l’optique d’un futur emploi.

Nous arrivons ainsi au troisième fascicule du manuscrit perdu, qui s’ouvrait sur un « Instrumentum donationis pro remedio animarum » : deux époux offrent à une église de Poppi une pièce de terre, et renoncent à omni merito et launechild (une formule qui normalement ne figure pas dans les actes d’offersio ou d’oblatio de biens en faveur d’établissements religieux). Suit un document par lequel deux autres époux renoncent à un modeste cens en nature qui leur était dû par un prêtre, dont ils reçoivent en échange une petite somme d’argent. Viennent ensuite une promesse de paiement pour l’achat d’un terrain, l’acte par lequel un podestat cède à un particulier le droit d’encaisser des sommes d’argent revenant à la commune, la promesse de paiement faite par des débiteurs, une dénonciation concernant la vente d’un mauvais cheval, un instrument de vente de terrain, divers documents ayant trait à des engagements et à des promesses faits à la suite de prêts d’argent, de cessions de droits et d’actes de donation.

Dans la dernière partie du formulaire l’emportent nettement les documents de vente-achat et les instrumenta proprietatis diverso nomine condita, pour utiliser l’expression du Formularium tabellionum pseudo-irnérien. Il y a aussi des documents d’autre nature, mais les matières judiciaire et testamentaire ne sont plus représentées. Nous avons ensuite plusieurs exemples d’actes de vente (d’objets, d’animaux, de terrains, de maisons, de serfs, de moulins, de châteaux etc.) et les engagements correspondants, pris par les parties et par leurs parents et consortes. Un exemplum spécifique concerne la promesse par laquelle le vendeur s’engage à faire rédiger par le notaire un exemplaire de l’acte de vente et à le remettre à l’acquéreur à la demande de ce dernier. Dans cette partie, essentiellement dédiée aux ventes-achats, nous trouvons quelques instruments de vente iure libellario seu emphiteutico et nomine ficti vel tenimenti, avec le montant du paiement en argent et l’engagement du versement d’un cens annuel en argent ou en nature. Suivent plusieurs exemples de différents types d’actes de vente, dont les auteurs sont des laïcs, des ecclésiastiques, des tuteurs, des mundualds, des créditeurs.

Deux formae ayant trait à une vente de biens fonciers avec une clause de réméré pour un temps déterminé sont d’un certain intérêt. Si le vendeur restitue à l’acquéreur, avant une échéance fixée, la somme d’argent qu’il a reçue, il sera de nouveau propriétaire de la terre. L’auteur du formulaire précise à ce sujet que pour ce genre d’opération (il s’agissait souvent d’une vente fictive qui masquait un prêt d’argent sur gage foncier) le notaire pouvait opter entre la rédaction d’un document unique contenant tous les termes de l’action juridique et l’écriture – « quod melius est » –, et celle d’un instrument de vente séparé d’un acte de promesse, par lequel le vendeur s’engageait à restituer l’argent reçu, à une date établie, pour pouvoir rentrer en possession de son bien aliéné. Le conseil de reporter les divers aspects et moments de l’opération en deux documents distincts (charte de vente « sine pacto » et « scriptura pacti ») a peut-être pour but de permettre au lecteur-notaire de mettre par écrit, sans possibilité d’erreur, les différents éléments du contrat. Mais déjà dans les siècles précédents, la clause du retrait de réméré pouvait se trouver aussi bien dans un codicille de la carta venditionis que dans un acte de promesse séparé, qui par ailleurs était souvent rédigé aussi dans des cas de vente-achat tout à fait traditionnels.

Suivent quelques modèles de vente de biens immobiliers et de droits de jouissance acquis ou détenus à différents titres (dot, donation inter vivos, bail, prêt d’argent). Mais la forme de la venditio peut être employée aussi pour rédiger un instrumentum permutationis, dont nous trouvons un exemple sous la rubrique suivane. Là, après la formule abrégée de la defensio, l’auteur du formulaire ajoute : « Set in fine, in loco pretii dicas sic » et rapporte les formules spécifiques de l’acte d’échange. Le document transcrit au paragraphe qui suit est semblable : deux personnages qui possèdent comunes terras et res décident de procéder à une division de leurs biens et s’engagent à respecter les termes de l’accord conclu. On peut lire ensuite le modèle d’un acte de vente sans clause de defensio, suivi de divers exemples de documents de donation, dans lesquels sont présentés des cas de figure variés (donatio inter vivos, ou mortis causa, réserve d’usufruit, concession de launechild, assignation de dot ou de « morgengabe », etc.). Le formulaire se termine par un document doté du preceptum guarentigie pour la vente d’un terrain.

II.4. Remplois et synthèses

Nous pouvons amorcer la conclusion de notre analyse en relevant avant toute chose que la plupart des feuillets (une vingtaine sur vingt-quatre) contiennent des formules de contrats, d’accords, de pactes et autres actions du même genre, tandis que celles qui portent sur les matières testamentaire et judiciaire sont peu nombreuses. Sur un total d’environ cent cinquante documents, près des deux tiers concernent la matière contractuelle, au sens large, le tiers restant étant consacré à des testaments, à des actes judiciaires, à des donations et à quelques emphytéoses. Les formae qui prévalent nettement sont celles que le notaire était appelé à rédiger le plus souvent, c’est-à-dire des actes de vente-achat et toutes les écritures qui en dérivent (promesses, engagements de tous genres, fidéjussions, etc.), présents en nombre très élevé, vu l’ample casuistique des affaires concernées. Il s’agit d’exempla qui souvent se distinguent par la longueur du texte. Quant à la distribution de la matière, nous pouvons observer que se suivent cinq blocs distincts de documents : contrats et pactes, documents judiciaires, contrats et pactes, testaments, contrats et pactes. Les deux groupes « De iudiciis » et « Testamenta » sont placés dans la partie finale, respectivement, du premier et du deuxième cahier. À l’intérieur des ensembles de documents qui concernent pactes et contrats, nous trouvons des formae qui sont plus ou moins en rapport direct et étroit avec la concession de dominium et de droits de tous genres, tels que procurations, élections, prêts, réfutations, permutations, locations et – surtout dans la seconde partie du manuscrit – différents documents d’emphytéose et de donation.

L’auteur du recueil, se fondant sur des situations, des cas et des exigences concrets et sur les éléments du système juridique de son temps, a recueilli et réussi à harmoniser les institutions de droit romain, longobard et féodal, attentif et sensible non tant à la théorie qu’à la substance des choses, qui avait bien peu en commun avec la « akademische Rechtskultur » fondée sur le Corpus iuris. Dans sa culture professionnelle confluaient des éléments dérivés des traditions juridiques locales, qui se reflètent avec netteté dans un texte destiné à fournir aux notaires la solution des problèmes posés par la pratique quotidienne. Ces techniciens du droit, appelés à exprimer avec une exactitude et une clarté substantielles et formelles les nuances de la volonté des commettants, devaient opérer à une époque et dans un milieu où le croisement de divers facteurs techniques et juridiques, institutionnels, économiques et sociaux contribuait à définir de façon nouvelle la figure du notaire, auquel la science juridique avait la charge et la capacité d’assurer des connaissances appropriées et des instruments opératoires. Peu après la paix de Constance (1183), mais surtout avec le passage à la phase de la commune du podestat, la présence imposante des notaires à l’intérieur des institutions publiques, à la suite du développement de la législation et des structures administratives citadines, poussa législateurs et doctores iuris, glossateurs et canonistes, commentateurs et notaires à opérer une profonde révision des règles juridiques et des formes documentaires, qui s’adaptèrent bien et vite à la nouvelle organisation sociale, économique et politique.

À l’époque où fut compilé notre formulaire, il existait à Florence, depuis quelque temps déjà, une societas de notaires et juges régulièrement organisée avec ses propres recteurs, comme il résulte d’une sentence arbitrale de l’année 1212, dans laquelle ont voit un juge-notaire qui intervient « precepto rectorum iudicum et notariorum »43. Dans la ville et les campagnes alentours œuvrait un bon nombre de notaires, comme le montrent avant tout les documents provenant des archives d’institutions religieuses séculières et régulières. C’est toutefois à partir de la seconde moitié du xiiie siècle que l’ars notaria, appuyée sur les enseignements des manuels d’origine bolonaise, se répandit et s’affirma également en Toscane. On sait aussi que l’école bolonaise de notariat était fréquentée par de jeunes étudiants provenant de différents centres urbains toscans. Mais l’on peut tout aussi bien expliquer la présence dans le recueil de formules de nature judiciaire par les exigences professionnelles plutôt que par l’influence exercée directement ou indirectement par les maîtres bolonais ; mais certains éléments me portent à formuler une hypothèse que j’espère pouvoir vérifier avec d’autres textes analogues. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’auteur a disposé la matière par groupes ou blocs de documents suivant la même répartition et dans le même ordre que Ranieri da Perugia dans son œuvre majeure, bientôt suivis par son élève Aretino. J’estime aussi significatif le fait que deux notulae, placées précisément en ouverture du premier et du second cahier du manuscrit perdu, contiennent dans le titre la mention explicite d’ars notaria : « De dotrina huius artis et offitii notarie ».

Comme nous l’avons déjà signalé, des cinq groupes de documents, le premier et le troisième concernent des pactes et des contrats de différents genres, tandis que le second et le quatrième sont réservés à des exempla d’actions judiciaires et de testaments et documents similaires et complémentaires. Ces deux blocs de documents (iudicia et testamenta) étaient placés respectivement à la fin du premier et du second cahier du texte originel. La seconde partie du formulaire, constituée par les dix derniers feuillets de la copie qui nous est parvenue, contient le dernier grand regroupement de documents, relevant tous du genre des « pactes et contrats ».

Pour conclure, à la lumière de ce qui a été dit jusqu’ici quant à la structure et au contenu du manuscrit, on peut proposer une hypothèse de reconstruction de la genèse et du processus de formation de ce formulaire. L’auteur a disposé en un texte assez uniforme et homogène toute la matière contenue dans le volume qui nous est parvenu, comme il résulte des divers indices qui portent à attribuer à une même personne la composition de tout le recueil. On peut remarquer par exemple que la ratio adoptée dans le choix et dans l’opération d’adaptation et d’élaboration des divers exempla et des notes doctrinales est identique. Le type de formulation des titres qui précèdent les notes et les documents, et plus généralement les caractéristiques formelles, orthographiques et lexicales, restent les mêmes du début jusqu’à la fin du manuscrit. Le travail de rédaction fut cependant exécuté en deux phases et à deux moments différents, probablement à peu d’années d’intervalle.

Le noyau originel, correspondant environ aux deux tiers du texte, contient, dans l’ordre, les sections suivantes : « De contractibus et pactis », « De iudiciis », d’autres accords et contrats, puis « De ultimis voluntatibus ». On trouve ensuite plusieurs formules de souscription notariale en fonction des types de documents, les deux longs actes de vente sans intitulé, et la liste des rubriques. Ici finissait le second cahier du manuscrit et se concluait aussi la première rédaction de l’œuvre, qui accueillait des exemples de documents des trois partes dans lesquelles toutes les actiones de l’homme pouvaient se distinguer, comme dans l’Ars de Ranieri et dans la Summa de son élève Aretino. In fine, pour permettre une consultation plus aisée, étaient ajoutées les quinze formules de diplomatique notariale et les tables des rubriques (la seconde manque dans notre manuscrit). Les deux actes de vente sans titre devaient constituer, à l’origine, un menu supplément, ou étaient peut-être encore contenus dans deux feuilles de parchemins glissées à part, à la fin du petit volume, comme nous l’avons déjà dit.

La deuxième partie qui comprend la matière contractuelle de diverse nature fut, elle, ajoutée plus tard, utilisant de nouveaux documents qui venaient éclairer et compléter, par des exemples différents, ceux qui avaient été compilés dans les sections précédentes. Le fait que les notes doctrinales séparées des formae se trouvent sans exception concentrées dans la première partie du manuscrit, renforce l’hypothèse que la partie suivante est le fruit d’une intervention postérieure et représente une sorte d’appendice documentaire fourni, mais presque entièrement dépourvu de commentaires (on compte deux notes pour une soixantaine de documents). Les actes de vente-achat, qui – comme nous l’avons vu – l’emportent en nombre à l’intérieur de tout le formulaire, représentent dans cette section la majorité absolue, c’est-à-dire les trois quart du total. Alors que les deux premiers cahiers avaient été conçus et réalisés comme un petit manuel complet, aussi riche d’exempla que de notes, l’expérience acquise ultérieurement dans l’exercice de la profession et dans le travail de rédaction du formulaire (et peut-être aussi dans l’enseignement prodigué à quelque jeune stagiaire) aura suggéré, par la suite, à l’auteur la possibilité d’amplifier sa compilation avec l’ajout d’autres matériaux documentaires, choisis parmi les typologies les plus demandées et les plus employées, et qui avaient déjà été l’objet d’amples annotations explicatives.

Salatiele écrivait dans la préface de son célèbre traité que « Cum ergo notaria sit scientia propter scire et propter operari, notaria bene dividitur in theoricam et practicam », distinction que nous trouvons aussi chez Ranieri da Perugia : « Prius de iure » vient l’étude théorique des bases juridiques, « consequenter in cartis de facto » on en arrive à l’exercice de l’ars notaria, c’est-à-dire à la pratique documentaire. « Theoria cum praxi », dans la Florence du milieu du xiiie siècle, signifiait, dans le domaine de l’art notarial, que le bon vieux système accrédité de l’apprentissage continuait à fonctionner remarquablement, surtout quand il était renforcé par des instruments didactiques et professionnels modernes et efficaces, tels que les formulaires et les traités d’ars notaria produits ou inspirés par les maîtres de l’école bolonaise.

III. Le formulaire pisan conservé à Barcelone

Nous allons maintenant nous tourner vers un formulaire notarial composé au début du xive siècle, très probablement à Pise, contenant des formules, des portions de documents, et des actes notariés et judiciaires entiers et de divers types. Ce recueil, rare et important, conservé à Barcelone, est resté jusqu’à ces dernières années non seulement inédit mais aussi inutilisé par les chercheurs. Il a été signalé une première fois dans un bref article de Francisco Sevillano Colom, qui le data de 1270 environ44, puis par José Bono y Huerta dans le premier volume de son histoire fondamentale du droit notarial espagnol45. Il s’agit d’un texte particulièrement important, non seulement par sa rareté mais aussi pour les allusions à des relations et à des rapports commerciaux avec différentes zones de la Méditerranée, parmi lesquelles Naples et Tunis, la Sardaigne et la Sicile, Malte et la Catalogne46.

III.1. Forme, date et sources

Le manuscrit est conservé parmi les chartes de la « Sección Ordenes Militares », à l’intérieur du fonds « Gran Priorato de S. Juan de Jerusalén », aux Archives de la Corona de Aragón47. Écrit sur papier, anonyme, anépigraphe et non daté, il compte vingt-cinq feuillets, la plupart faits de feuilles volantes, et écrits recto verso48. La date de composition du manuscrit, que l’on peut fixer aux débuts du xive siècle, est suggérée par l’écriture et par certains documents intégrés par l’auteur ; elle est confirmée par le filigrane visible sur presque toutes les feuilles, qui représente une croix grecque ou une lettre D49. On repère nettement trois mains différentes contemporaines : l’une dans les quatre premiers feuillets, une autre pour ceux qui suivent, à l’exception du dernier, qui présente une graphie semblable à celle de certains registres de chancellerie de la commune de Pise des premières années du XIVe siècle. Les rédacteurs étaient très probablement des notaires ; l’écriture est une minuscule soignée et de petit module, caractérisée par un trait régulier et par un modeste développement des hampes supérieures et inférieures des lettres. Les mots sont presque toujours bien séparés, les abréviations par contraction et par suspension sont fréquentes et ne présentent ni nouveautés ni différences notables avec celles qui sont employées dans les actes notariés et dans les registres des chancelleries communales.

Une hypothétique « reconstitution idéale » du manuscrit originel, de sa structure, de son contenu et de la succession des parties, ne donnerait aucun résultat sûr et digne de foi, puisque nous ne sommes pas en mesure d’établir le nombre global et la typologie des fascicules50. Le formulaire ne possède pas de table ni même de répertoire ou d’autre outil qui permettrait de simplifier la consultation de la part des praticiens auxquels il était destiné. En outre, les feuillets qui nous sont parvenus ne portent aucune numérotation originelle. Les chiffres arabes de 1 à 25, mis au crayon dans l’angle supérieur droit au recto de chacun des feuillets, par un archiviste inconnu dans les premières décennies du xxe siècle, servent seulement à nous informer sur le total des feuilles qui composent le recueil. L’archiviste a sans doute exécuté rapidement ce travail de pagination, sans prendre le temps d’examiner le texte et peut-être en respectant tout simplement l’ordre fortuit des feuilles telles qu’elles se suivaient dans la chemise qui les contenait.

La présence de certains personnages cités dans les documents nous reporte à une période qui s’étend de la seconde moitié du xiiie siècle aux premières années du siècle suivant. Les documents, datés ou datables, transcrits dans le formulaire, vont de l’année 1270 à 1310 environ51. Comme nous l’avons déjà dit, en 1255 fut publiée à Bologne la Collectio contractuum de Rolandino Passeggeri, qui adopta ce titre dans la préface du premier noyau de sa très célèbre Summa totius artis notariae, qu’il livra volontairement sans apparat critique ni commentaires théoriques. Le simple formulaire représentait la base sur laquelle le maître bolonais sut construire au cours d’une vingtaine d’années d’activité le texte fondamental qui donna une assise doctrinale à toute la matière notariale et que la prestigieuse école de notariat sélectionna pour l’enseignement de cette discipline, l’ars notaria précisément, une formulation académique qui avait été adoptée dès le début du siècle par l’Université bolonaise52.

Comme l’écrivit Harry Bresslau53, il s’agit certainement de l’œuvre la plus importante et la plus significative dans le domaine de l’art notarial, celle qui fut le traité et le manuel le plus chargé d’autorité jusqu’à l’aube de l’âge moderne. La Summa eut une vaste et rapide diffusion et connut la fortune aussi en Toscane, contribuant à stimuler la compilation de recueils documentaires plus ou moins développés et mis à jour, dont chaque notaire savait apprécier l’utilité dans l’exercice de sa profession. C’est de l’une de ces anthologies que dérive notre texte, qui se caractérise, entre autres, par une disposition de la matière tout autre que bien ordonnée, où les iudicia peuvent alterner avec les contrats sur une même feuille. C’est pour cette raison que, bien que le manuscrit ne nous soit pas parvenu dans sa forme originelle, nous sommes autorisés à le considérer comme l’un de ces formulaires difficiles à consulter, qui – comme l’écrivait Antonio Era – « recano le formule collocate alla rinfusa » et où « gli strumenti si susseguono in modo da lasciar comprendere che gli autori non vollero proporsi un piano prestabilito »54.

La dérivation de modèles qui, par leur forme et leur typologie, sont présents dans la Collectio rolandinienne, est dans de nombreux cas seulement partielle. Des parties de documents, des actes entiers et de simples formules sont modifiées, adaptées ou abrégées sur la base d’autres recueils documentaires conservés dans les études des notaires. L’auteur de notre formulaire était très probablement lui aussi notaire. On peut se demander si les titres apposés avant le texte des documents l’ont été dès l’origine, ou s’il s’agit de rajouts introduits dans une phase de réélaboration et de copie du recueil. À plusieurs reprises s’observent des discordances de forme ou de substance entre le contenu annoncé dans le titre et le texte du document qui suit. Il est possible, et je dirais même probable, que les titres soient de l’auteur ou de l’un de ses collaborateurs ou disciples, bref du responsable ou de l’exécuteur du projet. Le grand espace laissé entre un document et l’autre, la mise en évidence des titres des chapitres, séparés du texte des documents et des notes, ainsi que la position des annotations dans la marge des feuillets, l’emploi de l’encre rouge pour écrire, repasser ou souligner les titres et les notes, à plusieurs reprises un petit dessin explicatif (un bœuf, un porcelet, une tête d’homme tonsuré), tout cela tendait à simplifier la lecture d’un petit manuel qui présentait toute sa matière disposée de façon désordonnée, et qui était dépourvu de numérotation des feuillets et sans doute aussi de table et de répertoire55.

III.2. Composition et fonctions

Nous ne connaissons pas la date de création d’une corporation des notaires à Pise. Nous avons trace de son existence à partir de 125456, et des informations sur son statut apparaissent dans un breve de la commune pisane daté de 128757. Du début du siècle suivant nous est parvenu le Breve collegii notariorum58. En outre, nous tenons pour sûr que, à la fin du xiiie siècle, la corporation des notaires était à Pise l’une des plus importantes. C’est aux divers aspects et problèmes de la vie professionnelle qu’étaient dédiés les textes statutaires dont les attestations les plus anciennes remontent au xiiie siècle. Témoin de référence et riche d’informations est le Breve collegii… déjà cité, de 1304, dans les chapitres duquel nous apprenons, notamment, que le notaire devait s’engager à tenir son disciple avec lui, dans son étude (apotheca), pour lui enseigner à rédiger les différentes formes d’actes ; mais il avait également le devoir de mettre à la dispostion de ce dernier « formularium meum vel alterius persone vel aliquem contractum pro arte notarie adiscenda ». Réduits, aujourd’hui, à quelques exemplaires, les formulaires étaient très nombreux au Moyen Âge ; il était d’usage que le notaire en possedât un ou qu’il eût, pour le moins, un spécimen à portée de main, faute de quoi il pouvait recourir à des actes (pas seulement des contrats, peut-être) conservés dans ses propres registres. L’apprenti notaire, à son tour, s’engageait à rester, pour une période de quatre ans au moins, au service de son maître et à rédiger et copier les documents à la demande du notaire59.

« Ars et officium notariae in tres partes dividitur principales. Virtus enim huius officii aut contractuum aut ultimarum voluntatum aut iudiciorum formam respicit et naturam », écrit Rolandino dans la Summa totius artis notariae60. À l’intérieur de chacune des trois sections de son œuvre, une exposition théorique sur les institutions juridiques auxquelless se réfèrent les documents-modèles, les formules et les notulae doctrinales correspondantes, est placée avant le texte du formulaire proprement dit. La première partie traite des pactes et contrats et est articulée en sept chapitres. Elle embrasse les contrats de vente de biens mobiliers et immobiliers, les permutations, les emphytéoses, les donations, locations, inventaires, constitutions de sociétés, émancipations et manumissions, ainsi que les contrats matrimoniaux, les transactions et accords de tous genres, les prêts, les réfutations, les adoptions et autres encore. Les testaments, leurs codicilles et les formules de donation mortis causa font l’objet de la deuxième section, et sont regroupés en un seul chapitre. La troisième et dernière partie coïncide avec le chapitre neuf et est consacrée à l’exposition théorique et au déroulement des procès civils depuis la citation jusqu’à la sentence, suivie par les formules d’actes judiciaires de tous genres. L’opus egregium se conclut par un chapitre d’une vingtaine de pages, « De exemplificationibus et refectionibus scripturarum », où l’on peut lire une note intéressante sur les faux (fol. 398).

Par rapport à la tripartition rolandinienne, que nous trouvons déjà (1225-1245) dans l’Ars notariae de Ranieri da Perugia (« De contractibus et pactis », « De testamentis et ultimis voluntatibus », « De ordine iudiciorum »), on remarquera que dans le fragment du formulaire pisan manquent totalement des exemples de testaments : nous trouvons seulement quelques formules relatives au bref préambule qui caractérise ce type d’actes61. Les documents de nature judiciaire et les contrats sont en tout plus de cent. Sont aussi reportées plusieurs notae iuris explicatives, et quelques formules ou parties de formules concernant les différents types d’actions juridiques. Les actes privés sont une soixantaine environ et presque autant ceux qui concernent les causes examinées dans les curiae citadines. Pour de nombreux documents, rédigés puis copiés pour servir de modèles aux notaires, ne sont retranscrits que les éléments et les formules essentiels. Les noms des personnes sont souvent remplacés par Talis. Comme il advient aussi dans d’autres manuels, formulaires et recueils du genre62, les mêmes noms sont répétés dans des documents différents ou bien modifiés à l’intérieur d’un même document, n’ayant comme seule fonction que celle d’indiquer au notaire la position dans laquelle devaient figurer les divers éléments de chaque acte63.

Les documents ayant trait à des iudicia concernent surtout les causes, instances, témoignages, sentences, invitations à comparaître devant le tribunal pour la restitution de terres, d’objet et d’argent, et pour des indemnités de dédommagement. Les causes les plus fréquentes sont celles qui sont liées à la défense des droits et des intérêts de femmes et de mineurs en matière de dot et d’héritage. Parmi les documents privés, prévalent nettement les promesses et les accords concernant des paiements, prêts, gages et rachats. Figurent aussi des actes de vente, de procuration, de bail à cheptel et, en moindre quantité, de baux, de donations, de sociétés de terre et de mer.

III.3. Matériaux

La matière comprise dans le formulaire pisan peut être répartie, grosso modo, entre six groupes de documents : les quatre premiers feuillets contiennent des actes entre particuliers (baux à cheptel, ventes et donations de droits, etc.) ; les trois suivants se réfèrent à des causes devant les tribunaux civils et ecclésiastiques64 ; on trouve ensuite une série d’actes privés (fol. 8-11) et encore trois feuillets de iudicia65. Les deux derniers groupes concernent respectivement des documents d’actions entre particuliers et des causes devant les cours citadines. Un des feuillets consacrés aux contrats est occupé en entier par une série de formules et de parties de documents tels que les inventaires et les testaments (fol. 18), tandis que dans le fil d’un autre feuillet de ce même groupe se lit la partie finale d’une sentence (fol. 21), dont le début était transcrit sur un feuillet perdu. De même, parmi les documents concernant les causes en justice, qui occupent les quatre feuillets finaux du manuscrit, se trouve un instrumentum rédigé par un notaire, transmis à la Curia pupillorum et ayant pour objet une donation de biens effectuée par un père en faveur de son fils « in premium emancipactionis » (fol. 25).

Le formulaire s’ouvre sur un document relatif à la rédaction d’un inventaire de biens hérités66 et poursuit avec un instrumentum destiné à régler les rapports entre une famille et une employée de maison qui pour un an devra assurer la charge de domestique67. Suivent des documents de constitution de compagnies de mer et de terre, de ventes de droits68, de choix et nomination d’un arbitre pour démêler les controverses nées entre deux particuliers69. On lit ensuite le modèle d’un acte par lequel un personnage se fait convers d’une église70 ; des baux à cheptel71 ; un acte de nolissement (locatio ad naulum) de navire avec tout l’appareillage et un équipage de dix marins, destiné au transport de vins de Livourne à Pise. La richesse de l’éventail typologique de ce petit manuel est confirmé par les modèles qui suivent : en premier lieu une vente de droits « quando fideiussor solvit pro principali », suivie par une donation de droits, à propos de laquelle l’auteur du recueil précise, à l’usage du lecteur, jusqu’à quel point doit être adopté le « predictus modus », autrement dit la formule de l’acte de cession de droits en échange d’argent. C’est la première d’une intéressante série de notae iuris, conseils et remarques destinés au notaire qui devra s’occuper de la rédaction d’actes à la demande de ses clients72.

On passe ensuite à un groupe de documents, réduits en général aux parties essentielles, concernant des causes présentées devant différentes cours citadines73. Après la réclamation des biens de sa dot de la part d’une femme, nous trouvons une autorisation accordée par les juges à des tuteurs afin qu’ils agissent en faveur des mineurs, puis le perhentorium par lequel les responsables de la curia foretaneorum ordonnent à un particulier de comparaître devant le tribunal pour confirmer un engagement assumé dans un contrat de vente. La série des actes de iudiciis s’interrompt avec un dernier ensemble de textes : la formule résumée d’un instrument notarié où un évêque intervient en faveur d’un ecclésiastique ; la requête qu’un consul ou un tuteur adresse à des juges pour qu’il lui soit permis de produire en tribunal, au-delà des termes fixés, des témoins en faveur d’une commune ou d’un mineur74 ; une sentence transcrite presque intégralement, par laquelle les juges de la curia foretaneorum autorisent une femme à entrer en possession des biens qu’elle avait apportés en dot et qui avaient été englobés dans l’héritage du mari défunt – l’acte de mise en possession (immissio in possessionem) et la notification publique de cette disposition sont copiées à la suite de la sentence. Un document placé au début d’une causa rei servande, au lieu de se trouver à la fin, comme ceux que nous venons de citer, est reporté dans le formulaire immédiatement après une requête présentée par le consul d’une commune aux magistrats pisans afin qu’ils contraignent Untel à payer les impôts de cette commune. On trouve ensuite une « proclamatio causa rei servande » ordonnée par la curia foretaneorum et qui concerne la demande d’une veuve qui entend pouvoir disposer d’une partie des biens hérités de son conjoint.

Les deux documents suivants se rapportent à une cause in curia archiepiscopi et in curia ecclesiastica : dans la commissio, l’archevêque pisan assigne à un juge délégué une cause d’appel ; dans le libellus qui suit sont exposés au juge, sous une forme synthétique, les termes de la cause qui porte sur des questions d’usure. On passe, tout de suite après, à une cause devant les responsables de la curia legis, lesquels convoquent un particulier pour qu’il restitue à un monastère des terres qu’il avait obtenues en location de la part du prieur avec un acte notarié parfaitement en règle ; à l’origine de cette cause, il y a une instance introduite par le procureur de cet établissement, selon lequel « dictum monasterium ex dicta locatione fuit et sit lesum ». Une autre institution religieuse, l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, au travers de sa maison du Saint-Sépulchre de Pise, engage une procédure judiciaire contre des particuliers, en l’occurence devant le vicaire de l’archevêque pisan, pour entrer en possession des biens d’un personnage qui avait fait donation de tout son patrimoine à l’hôpital qui l’avait accueilli. Cette fois les modèles copiés sont au nombre de deux : après la petitio présentée par le procureur de l’hôpital vient la responsio des deux adversaires de l’établissement religieux, qui « negant narrata ut narrantur vera esse et petita dicunt fieri non debere ». Les documents suivants sont des exemples de libelli présentés au vicaire archiépiscopal, afin qu’il annule des contrats de prêts d’argent, qui auraient été rédigés « in fraudem usurarum ». Le dernier document de cet ensemble est une sentence du capitaine des collines, et concerne un dédommagement à la suite de l’abattage d’un porcelet.

Un excellent exemple du lien étroit qui existait au Moyen Âge entre la matière contractuelle et la matière judiciaire dans l’exercice de la profession notariale, et qui se reflète dans la structure de notre formulaire, est représenté par la carta placée au début du second groupe des documents privés, où l’on met en scène une personne qui, après avoir été entravée dans la jouissance de ses propres droits sur un terrain qu’elle avait acquis, s’adresse aux juges de la curia legis pour obtenir du vendeur qu’il respecte les engagements de defensio pris dans le contrat de vente. Suivent une révocation de procuration, la déclaration d’un propriétaire de biens immobiliers à propos du paiement régulier du loyer de la part du locataire, la nomination de l’administrateur et procurateur général d’une chapelle. Dans le document suivant on présente un individu qui, après avoir accepté de recevoir des objets en gage, les met en vente après avoir attendu, en vain, qu’ils soient rachetés. Les documents qui suivent concernent une fausse remise d’argent et la promesse du vendeur d’une parcelle de terre, qu’il s’engage à revendre au nouveau propriétaire, dans les cinq ans, sans variation de prix et avec l’obligation de defensio75.

Suivent encore d’autres documents qui, sous une forme très synthétique, se rapportent à la nomination du responsable d’une guardia conventuelle, à la ratification d’un testament, à une déclaration de vente de biens dotaux, à la décision prise par des frères de ne plus vivre et travailler tous ensemble, « set divisim ». La charte se termine par le titre d’un document constatant que les biens d’un mineur sont mis en vente à l’encan76. Nous avons ensuite deux actes d’affranchissement, « liberationis ancille ab omni iugo servitutis »77, une concession en fief de biens fonciers suivie par une investiture « cum baculo et cirotheca » et « pacis osculo »78. Un notaire pisan, sur le point de s’éloigner de la ville pour un certain temps, pourvoit à nommer des procurateurs, en l’occurrence son frère, sa femme et un collègue notaire, auquel par acte séparé il confère la charge de stipuler des actes en son absence.

Un second groupe d’actes « De iudiciis » s’ouvre avec deux promesses faites devant le notaire et scribe du tribunal : dans la première, une personne s’engage à en défendre une autre in iudicio ; dans la seconde, un particulier en litige avec un autre garantit que, en cas de perte du procès, il versera à la commune une somme d’argent correspondant à la dirictura curie, qu’il n’est pas en mesure de payer sur le moment. Après l’invitation à se présenter devant le tribunal, adressée par les juges à quiconque entendait aider un mineur à défendre ses biens, on trouve quelques notae iuris sur des questions à poser au tribunal, puis le perhentorium par lequel les magistrats de la curia legis convoquent l’ancien tuteur d’un mineur, désormais adulte, afin qu’il présente le compte-rendu de sa gestion des biens qui lui avaient été confiés à l’époque de son mandat ; dans la responsio, l’ex-tuteur se déclare prêt à rendre compte et raison de son administration passée. Avec des perhentoria analogues, les juges invitent d’autres personnes à comparaître devant le tribunal pour se justifier de la gestion de biens dotaux, de l’utilisation de capitaux, de la vente de maisons et terrains.

Le recueil donne encore plusieurs documents de iudiciis : ils concernent des demandes de compensation et de compte-rendu, de révision et d’annulation de sentences et arbitrages tenus pour « iniqui et pravi », et d’autres questions relevant de la compétence des diverses cours citadines. Le dernier groupe de documents privés s’ouvre avec l’engagement solennel de vivre en paix, pris par les représentants de deux lignages. Il continue par la déclaration d’un Catalan, qui « tactis sacrosanctis evangeliis » jure que toutes les marchandises apportées à Pise par un charretier de Prato lui appartiennent. Suivent deux documents concernant deux cas de mariages – dans le second, la femme est mineure et son tuteur doit donc intervenir. On trouve ensuite le résumé d’un instrument dans lequel une veuve, « causa indigentie et necessitatis », est obligée de mettre en vente une partie de ses biens. Une autre veuve confirme, dans le document qui suit, la vente d’un terrain faite par son fils79. Il s’agit d’un texte qui se trouve normalement dans les actes de vente, introduit par « ad hec », tout de suite après le passage où le vendeur et l’acquéreur expriment leurs propres volontés, comme le montre par exemple le document suivant, dans lequel un individu dépourvu de moyens de subsistance effectue une vente et où sa femme « ad hec » confirme et ratifie cette cession80. Suivent encore l’acte de vente de quelques barils de moût, la charte par laquelle un monastère cède à bail un terrain à un particulier, terrain sur lequel s’élève une maison, un acte de donation de droits acquis à la suite d’un prêt, un acte de prêt d’argent garanti par un gage foncier, deux baux à cheptel, le document par lequel prend fin le service d’un jeune famulus auprès d’un artisan. Le recueil se poursuit avec une charte de division de biens entre frères, l’acte de liquidation d’une société81 et un échange de terrains.

Après une dizaine de formules et des parties d’inventaires et de testaments, vient un acte dans lequel plusieurs personnes déclarent n’avoir aucune obligation ni droit les unes envers les autres, sauf un différend encore pendant, dont témoigne une carta debiti rédigée par un notaire. Suit un prêt d’argent garanti par un gage qui est représenté dans ce cas non par des biens immobiliers mais par la cargaison d’un navire. Le document qui suit traite de la vente d’un navire, et précède une autre pièce, traitant de la vente simulée d’un autre navire qui, en fait, est loué durant la période des hostilités entre Pise et Gênes. Vient ensuite un document par lequel une personne s’engage, en cas de vente éventuelle d’un terrain, à le céder à un prix de faveur à l’autre partenaire de l’acte de promesse. La feuille se termine avec le début et le milieu d’un instrument de cession de droits dans une affaire de prêt d’argent. La fin du document était consignée dans une feuille perdue, tout comme dans une autre feuille manquante était consigné le début d’une sentence d’annulation de dette prononcée par des juges contre un débiteur. Cet acte de iudiciis, qui se conclut au début d’une nouvelle feuille, est suivi par différents actes privés : la quittance remise par le propriétaire d’une apotheca (il s’agit d’un notaire) au locataire en règle du versement fixé dans l’acte de bail, une vente avec fidéjussion ; l’engagement pris par le vendeur d’un terrain de faire confirmer la cession au moment de l’émancipation de son frère, mineur à l’époque de l’acte ; la partie initiale d’un instrument de prêt avec fidéjussion – dans ce cas aussi, le reste du document se trouvait sur une feuille qui ne nous est pas parvenue.

Commence enfin le dernier groupe de documents, avec l’ordre donné par le juge à un débiteur pour qu’il se présente devant le tribunal et pourvoie au paiement auquel il est tenu. Suivent une dizaine de notes avec des instructions à l’usage des notaires engagés dans la rédaction de documents et dans les procédures relatives à divers types de cause. Après la sentence d’un recours concernant une dette et un mandat de comparution émis par des magistrats pour que puisse commencer une cause d’appel, nous trouvons des documents transcrits dans leur intégralité et des formules ayant trait à des procès de différentes natures et de sujets variés : prêts d’argent et dettes, défense de mineurs et actions de tuteurs, héritages assignés à des mineurs et à des veuves. Sur une même feuille on trouve divers actes de iudiciis concernant des mineurs, ainsi que l’annotation « Pupillorum curia » en marge du schéma d’un instrument notarial concernant l’émancipation d’un jeune qui, à cette occasion, reçoit un premium de son père82. Les commentateurs de la Summa argumentaient à cet égard que, réflexion faite, le don qu’il était d’usage d’accorder au fils aurait dû être attribué à l’émancipateur, comme le soutenait, entre autres, le célèbre juriste Bartolo da Sassoferrato.


1 Harry Bresslau, Handbuch der Urkundenlehre für Deutschland und Italien, 2 vol., Berlin, 1968-1969 4 : II, p. 225 s. Dans le chapitre 13, consacré surtout aux formulaires, Bresslau – après avoir critiqué l’opinion de Heinrich Brunner, selon lequel aucun formulaire notarial antérieur à ceux que nous connaissons n’aurait été produit – soutient que de tels formulaires existaient déjà en Italie dans le haut Moyen Âge, mais qu’ils auraient été perdus parce que le notariat était exercé par des laïcs, et donc ce genre de textes aurait difficilement pu être introduit et conservé dans les bibliothèques ecclésiastiques, dans lesquelles se trouvent surtout les œuvres médiévales arrivées jusqu’à nous (p. 247). Toutefois, au-delà du fait que le formulaire florentin dont nous nous occuperons bientôt nous est arrivé parce qu’il était conservé dans les archives d’un monastère jusqu’à sa suppression, on doit faire remarquer que nombreux et bien connus sont les cas de documents et d’archives de particuliers, et en général de laïcs, qui dans le cours du Moyen Âge étaient conservés dans les sièges d’établissements religieux.
2 H. Bresslau, Handbuch…, II, p. 256 s. ; O. Guyotjeannin, J. Pycke, B.-M. Tock, Diplomatique médiévale, Turnhout, 1993 (L’atelier du médiéviste, 2), p. 243 ; Reinhard Härtel, Notarielle und kirchliche Urkunden im frühen und hohen Mittelalter, München-Wien, 2011, p. 231 ss.
3 Vito Piergiovanni, « Scienza giuridica e notariato italiano tra medioevo ed età moderna », dans El notariado andaluz en el tránsito de la edad media a la edad moderna. Jornadas sobre el notariado en Andalucía (Febrero de 1994), éd. Pilar Ostos Salcedo, Maria Luisa Pardo Rodríguez, Sevilla, 1995, p. 27.
4 Francesco Calasso, Medioevo del diritto, 1 : Le fonti, Milano, 1954, p. 244.
5 . Paolo Grossi, L'ordine giuridico medioevale, Bari-Roma, 1995, p. 223 ss. V. aussi p. 157, où l'A., illustrant avec une clarté exemplaire l’imposant travail fait sur le Corpus justinien par les glossateurs et commentateurs médiévaux, affirme que ce fut « uno dei tempi più intensi e più fertili della storia del pensiero giuridico occidentale, che soltanto una mente malata di classicismo potrebbe ritenere di qualità inferiore alla pur grandissima ‘iurisprudentia’ romana dell'età aurea ».
6 Formularium Florentinum artis notariae (1220-1242), éd. Gino Masi, Milano, 1943 (Orbis Romanus, 17) (introduction et mauvaise transcription), p. LXXXVI. Masi, selon qui le formulaire serait une œuvre de « pretto spirito romano » produite dans une école florentine indépendante de celle de Bologne, confond les dates, les titres des œuvres et les noms des auteurs de l’école bolonaise. Ainsi à la p. XXXVII s. : « L'Ars di Ranieri offre una libera divisione in 5 libri : 1. strumenti di proprietà a titolo diverso ; 2. contratti enfiteutici ; 3. testamenti ; 4. contratti di donazione, adozione, emancipazione e manumissione ; 5. patti e contratti straordinarii. Più sinteticamente si può dire che il formulario sia diviso in due parti, inter vivos e post obitum : 1. strumenti che si riferiscono ad atti di diretto dominio ; 2. strumenti relativi a concessione d’uso ed usufrutto. Altra opera di Ranieri, De contractibus, redatta forse verso il 1240, è divisa in tre parti : contratti e patti ; giudizi ; negozi di ultima volontà » ; « il formulario di Ranieri da Perugia (1221-1245), Summa artis notariae, composto fra il 1214 e il 1246 ». En réalité, ce n’est pas l'Ars di Ranieri mais le Formularium tabellionum pseudo-irnérien (1205) qui est divisé en 5 livres. En outre, dans le Liber formularius de Ranieri (1215) la matière testamentaire est comprise dans la première partie (domaine direct). Enfin, l’autre œuvre de cet auteur n’est pas le De contractibus de 1240, mais bien l'Ars notariae, composée entre 1225 et 1245. Cette œuvre (et non una Summa artis notariae) fut écrite justement entre ces deux dates et non entre 1214 et 1246.
7 Gianfranco Orlandelli, « La scuola di notariato fra VIII e IX centenario dello Studio bolognese », dans Studio bolognese e formazione del notariato. Atti di un convegno (Maggio 1989), Milano, 1992 (Studi storici sul notariato italiano, 9), p. 35. V. aussi Sandro Sandrucci, Appunti sull'evoluzione del notariato in Toscana, Firenze, 1932, p. 15 ss.
8 Hans Hirsch, « Methoden und Probleme der Urkundenforschung », dans Mitteilungen des österreichischen Instituts für Geschichtsforschung, t. 53 (1939), p. 1 ss. Cette importante relation non seulement n’est pas rééditée mais elle n’est même pas citée par Th. Mayer dans le recueil d’études de H. Hirsch, Aufsätze zur mittelalterlichen Urkundenforschung, éd. Theodor Mayer, Köln-Graz, 1965.
9 G. Orlandelli, « Genesi dell'ars notariae nel secolo XIII », dans Studi medioevali, t. 6, 2 (1965), p. 330. Sur le formulaire florentin v. Notarii. Documenti per la storia del notariato italiano, éd. Armando Petrucci, Milano, 1958, p. 89 n° 35 (brève fiche) ; Il notaio nella civiltà fiorentina, secoli XIII-XVI. Mostra nella Biblioteca Medicea Laurenziana (Ottobre-Novembre 1984), Firenze, 1984, p. 33 n° 15 (autre brève fiche) ; édition dans S. Scalfati, Un formulario notarile fiorentino della metà del Dugento, Firenze, 1997 (Quaderni della Scuola di archivistica, paleografia e diplomatica, 5). Suivent quelques indications bibliographiques essentielles qui renvoient surtout à des titres où sont rapportées de plus amples citations de sources publiées et inédites et d’études générales et spécifiques sur le notariat et sur l’ars notaria : Oswald Redlich, Die Privaturkunden des Mittelalters, München-Berlin, 1911, p. 212 ss. ; Il notariato nella civiltà italiana. Biografie notarili dall'VIII al XX secolo, Milano, 1961 ; Scritti di Giorgio Cencetti, dans Notariato medioevale bolognese 1, Roma, 1977 ; Giorgio Costamagna, « Dalla charta all'instrumentum », et G. Orlandelli, « La scuola bolognese di notariato », tous deux dans Notariato medioevale bolognese. Atti di un convegno (Febbraio 1976), Roma, 1977 (Studi storici sul notariato italiano, 3), p. 7 ss., 27 ss. ; Peter Weimar, « Ars notariae », dans Lexikon des Mittelalters, 1, München-Zürich, 1980, col. 1045 ss. ; José Bono y Huerta, Historia del derecho notarial español, 1-1, Madrid, 1979, p. 208 ss. ; G. Costamagna, « Il notariato nell'Italia settentrionale durante i secoli XII e XIII » ; G. Orlandelli, « Documento e formulari bolognesi da Irnerio alla ‘Collectio contractuum’ di Rolandino », tous deux dans Notariado público y documento privado : de los orígenes al siglo XIV. Actas del VII Congreso internacional de Diplomática (Valencia 1986), Valencia, 1989, p. 991 ss., 1009 ss. ; G. Costamagna, « Bologna e il ritorno del diritto romano nella documentazione notarile (secoli XII-XIV) », dans Studio bolognese e formazione del notariato, p. 11 ss. ; Rolandino e l'ars notaria da Bologna all'Europa, éd. Giorgio Tamba, Milano, 2002 (Per una storia del notariato nella civiltà europea, V).
10 . Archives d’État de Florence (désormais : ASF), S. Piero a Monticelli, n° 235, 1 (ex 655, 4). Le titre Formularium Florentinum artis notariae (1220-1242) n’est qu’un ajout de Masi, p. 1. Sur l’histoire et les documents de S. Piero v. Giovanni Richa, Notizie istoriche delle chiese fiorentine divise ne' suoi quartieri, II, Firenze, 1755, p. 176 ss. ; Dario Moreni, Notizie istoriche dei contorni di Firenze, IV, Firenze, 1793, p. 169 ss. ; VI, Firenze, 1795, p. 221 ss. ; Guida generale degli Archivi di Stato italiani, dir. Piero D'Angiolini, Claudio Pavone, 2, Roma, 1983, p. 33, 148 : « pergamene 191 (1262-1749) » ; « registri e buste 251 (1340-1789) ». V. aussi Pietro Leopoldo di Asburgo Lorena, Relazioni sul governo della Toscana, éd. Antonio Salvestrini, Firenze, 1969, p. 220, 233 ss., App. III, p. 384 ; Antonio Zobi, Storia civile della Toscana dal 1737 al 1848, II, Firenze, 1850, p. 456 ; Oddone Fantozzi Micali, Paolo Roselli, Le soppressioni dei conventi a Firenze, Firenze, 1980, p. 31 ss. ; Diana Toccafondi, « L'archivio delle Compagnie religiose soppresse : una concentrazione o una costruzione archivistica? », dans Dagli archivi all'Archivio. Appunti di storia degli archivi fiorentini, éd. Carlo Vivoli, Firenze, 1991 (Quaderni della Scuola di archivistica, paleografia e diplomatica, 3), p. 107 ss.
11 Les trois cahiers du manuscrit sont reliés ; la couverture est elle aussi en parchemin et contient une longue liste de cens en argent et en nature (xiiie siècle), elle est en très mauvais état de conservation à cause de nombreuses déchirures et de sa destruction en différents endroits ; on y lit encore des notes manuscrites des xviiie (« N. 4 ») et xxe siècles (« N. 235. Monastero di S. Piero a Monticelli »). L’état de conservation du manuscrit est assez bon en général, malgré quelques taches d’humidité qui toutefois n’entravent pas la lecture du texte. L’encre est parfois décolorée. Une double numérotation récente en chiffres arabes est apposée sur le recto de chaque feuille : au crayon noir dans l’angle supérieur droit, avec un numéroteur à l’encre noire dans l’angle inférieur droit. Les feuillets mesurent 320-330 x 220-230 mm. La surface écrite est variable à cause des marges : la marge supérieure 5-15 mm (en moyenne 10 mm environ) ; la marge inférieure 15-60 mm (en moyenne 25-50 mm), avec deux feuillets laissés en blanc dans leur moitié inférieure pour pouvoir transcrire le document suivant sur une nouvelle feuille ; la marge droite 5-15 mm (en moyenne 10 mm environ) ; la marge gauche 10-25 mm (en moyenne 15 mm environ). Toutes les feuilles entièrement écrites contiennent de 36 à 46 lignes d’écriture (en moyenne 40-44 lignes).
12 Trois documents seulement sont rédigés en forme subjective : deux brèves demandes d’appel présentées au juge (fol. 7) et une sentence de divorce tout aussi concise, prononcée par un ecclésiastique (fol. 7v). Deux instrumenta venditionis, copiés presque en entier et privés de titre, sont rédigés en forme subjective pour le premier et en forme narrative pour le second (fol. 13-14).
13 Les notae iuris, rédigées après le texte des documents et destinées aux notaires, sont précédées du titre « De dotrina huius artis et offitii » (ou « De dotrina huius offitii/artis »). Dans deux cas seulement, au début du premier et du second cahiers du manuscrit perdu, le titre de la première note de chaque cahier est : « De dotrina huius artis et offitii notarie » (fol. 2v et 8v de notre ms).
14 Par ex. fol. 6v « De compromisso litis », fol. 10v « De testamentis et ordine » etc., fol. 12 « De preceptis guarentiscie », fol. 22 « De venditione facta ad pactum », fol. 22v « De venditione et actione debiti ».
15 G. Masi, éd. cit., p. LIII. Le seul témoignage concernant l’existence d’une école florentine de notariat serait précisément notre manuscrit qui, de plus, – comme l’écrit plus loin Masi (p. LXVI) – « rappresenta l'unico esempio fino ad oggi di formulario notarile fiorentino della prima metà del secolo XIII ». Masi ajoute (p. LXXXII) que ce texte « era per certo destinato anche alla scuola : lo dimostrano le ‘notae iuris’ che accompagnano la formula ». Même les affirmations sans aucun fondement comme celle-là peuvent avoir du succès : Petrucci n’ajoute rien de nouveau et se limite à répéter, sans fournir aucune preuve, que le formulaire « indubbiamente nacque in una scuola di arte notaria, di cui però non abbiamo alcuna notizia » (Notarii…, p. 36). Selon Calleri aussi, « deve ritenersi che a Firenze esistessero scuole di notariato fin dalla prima metà del secolo XIII, come dimostrano le note che accompagnano molte formule del Formularium pubblicato dal Masi » : Sandro Calleri, L'arte dei giudici e notai di Firenze nell'età comunale e nel suo statuto del 1344, Milano, 1966, p. 33 n. 15. En réalité, l’existence de ces notes ne prouve rien, elle indique seulement qu’il s’agit de simples commentaires doctrinaux, destinés à aider un notaire dans l’exercice de sa profession. Plus correctement, la brève fiche dédiée au formulaire dans le volume Il notaio nella civiltà fiorentina… (p. 33) précise que « nella Toscana del XIII secolo, come in altre regioni, in ambienti, più che scolastici, professionali, si provvedeva a raccogliere modelli dei negozi correnti, per rispondere ad esigenze ovvie ma non ancora soddisfatte appieno », et cite à ce sujet notre formulaire. En effet, nous avons la certitude que des recueils de modèles de documents et textes de divers types étaient compilés depuis des siècles dans certains milieux professionnels, indépendamment de l’existence d’écoles proprement dites destinées à la formation ou à la spécialisation des rédacteurs. Une lecture attentive du manuscrit nous montre que l’enseignement devait se faire directement à travers les exempla et les notes explicatives, destinés naturellement à un notaire. Il est aussi probable ou du moins possible que ce formulaire – tout comme ceux qui ne nous sont pas parvenus – ait joui d’une heureuse fortune dans un milieu notarial plus ou moins vaste, traduite par l’existence de nombreuses versions semblabes à l’œuvre originelle, ou amplifiées, voire modifiées. On ne sait pas non plus si ces interventions étaient souhaitées ou bien prévues par l’auteur, qui pourrait avoir joué les fonctions de magister pour quelques apprentis notaires, comme, du reste, cela se passait depuis des siècles (p. ex. à l’époque longobarde).
16 Le « dominus A. Florentinus episcopus » peut être identifié avec l’évêque Ardingo (1231-1249 ; v. au fol. 5 la rubrique « De iconimo et actore ordinato ») : v. Pius Bonifatius Gams, Series episcoporum Ecclesiae catholicae, Regensburg, 1873 (Suppl. 1879, 1886, réimpr. Stuttgart, 1931, Graz, 1957), p. 747 ; Masi, p. LXX. Le « dominus B. abbas monasterii sancte Marie de Florentia » (fol. 5, rubrique « De sindaco et procuratore generaliter et specialiter ») est très probablement l’abbé Bartolomeo (v. p. ex. Diplomatico Badia di Firenze, 1242 décembre 10 et 1242 décembre 24). Si, comme c’est possible, les documents utilisés pour la rédaction du formulaire ont été tirés, au moins en partie, de ceux qui avaient été rédigés par l’auteur lui-même, on pourrait émettre l’hypothèse que parmi ses clients figuraient le comte Guido Guerra (fol. 1v, 10, 20), l’évêque de Florence (fol. 5) et le monastère de S. Maria (fol. 5, 20v) ; mais aucun des documents ne cite le nom du notaire. La recherche sur les notaires présents dans le formulaire a été conduite avant tout à travers les dépouillements du ‘Diplomatico’ de l’ASF, menés par les archivistes des xviiie et xixe siècles. Ont été examinés les documents stipulés entre la fin du xiie et le milieu du xiiie siècle, relatifs aux principaux établissements religieux florentins. La vérification postérieure sur les parchemins où apparaissent notaires et juges homonymes en qualité de rédacteurs ou de souscripteurs n’a pas permis de dégager des identifications certaines, vu que les six notaires repérés dans le formulaire ne sont cités que par leur nom personnel (sauf Bolgaro), avec la simple qualification de notarius, sans autre précision ; Bruno était aussi juge comme certains de ses collègues homonymes.
17 Fol. 15v, rubrique « De venditione rei stabilis ». Un certain Berardo juge et notaire rédige un document le 29 mai 1189, Dipl. Badia di Firenze. Un autre Berardo passe un acte le 23 juin 1242, Dipl. Camaldoli. Berardus Alberti juge et notaire instrumente le 8 décembre 1243, S. Donato in Polverosa. Berardus notaire q. Berardi de Rignano dans Dipl. Coltibuono, 17 mars 1245.
18 Fol. 13v [« Venditio »]. Nous trouvons dans ASF, Dipl. Cestello, quatre documents dressés par Bulgarus juge et notaire : 1229 janvier 10, 1233 novembre 23, 1233 novembre 24, 1239 juin 27. Dans Dipl. Vallombrosa, deux documents de Bolgherus juge et notaire : 1229 janvier 20, 1242 mai 18. L’écriture de ce second notaire est très proche de celle du rédacteur du formulaire, bien que certaines lettres (p. ex. le g) aient une forme différente.
19 . Fol. 15, rubrique « De vendictione et actione facta a potestate pro Comuni cum consensu hominum alicui persone ». Un Gualterius notaire dresse un acte à Lamole le 15 mars 1236 : Dipl. Coltibuono. Gualterius de Cascia juge et notaire signe un acte rédigé par le juge et notaire Bencivenne de feu Rustico : 1242 décembre 7, Dipl. Strozzi Uguccioni.
20 . Fol. 15v, rubrique « De venditione rei stabilis ». Dans Dipl. S. Matteo in Arcetri, 22 juillet 1233, Gualterottus Lungobardi notaire impérial copie et souscrit un acte de vente rédigé par Spedalerio juge et notaire, copié à son tour par le juge et notaire impérial Bonavenuta. Fol. 15v, rubrique « De venditione rei stabilis ». Dans Dipl. S. Matteo in Arcetri, 22 juillet 1233, Gualterottus Lungobardi notaire impérial copie et souscrit un acte de vente rédigé par Spedalerio juge et notaire, copié à son tour par le juge et notaire impérial Bonavenuta.
21 Fol. 24v, rubrique « De venditione rei stabilis ». Nous trouvons Spedalerius juge et notaire dans : Dipl. Carmine Firenze, 1227 23 février ; Dipl. Badia Firenze, 1227 10 août ; Dipl. S. Matteo in Arcetri, 1233 22 juillet.
22 . Fol. 13-14. Nombreux sont les homonymes que nous trouvons dans les fonds du ‘Diplomatico’ de l’ASF : B. juge et notaire à S. Apollonia, 1181 février 25, et Badia Firenze, 1182 novembre 22 ; B. juge q. Truffe à Badia Firenze, 1197 novembre 8 ; B. Truffi juge et notaire « domini Frederici imperatoris » à S. Apollonia, 1204 janvier 8 ; B. q. Rainerii juge et notaire à Badia Firenze, 1204 mars 3, 1214 novembre 26, 1218 juillet 27, et à S. Donato in Polverosa, 1241 décembre 11 ; B. juge et notaire à Passignano, 1220 février 24 ; B. q. Ranerii juge à Badia Firenze, 1224 avril 1.
23 V. p. ex. les ventes de fol. 13v-14, 15v, 24v ; mais aussi les longs documents sur les actions juridiques du comte Guido Guerra : fol. 1v-2, 20.
24 Fol. 12. C’est la seule rubrique où soit cité un notaire impérial : « Ego talis domini Frederigi Romanorum imperatoris iudex et notarius etc. ». Or, au fol. 4v, rubrique « De mandato facto a notario complendi instrumenta sua », est prévu le cas d’un juge et notaire qui charge un collègue de rédiger ses documents. Alors que, au début du texte, celui qui confère le mandat est dit « Talis iudex et notarius », il est cité peu après comme « ipse B. » Puisque des six notaires que nous trouvons dans le manuscrit, Bruno est le seul qui soit également juge, on pourrait avancer avec beaucoup de prudence l’hypothèse que dans ce cas « B. » serait mis pour « Brunus », même si en d’autres endroits (fol. 3v, 5, 6v, 7v, 9v, 15, 19v, 23v) ce sigle indique simplement un homme ou une femme. Bruno juge et notaire a rédigé les deux longues ventes déjà citées (fol. 13-14) et pourrait être identifié avec le juge et notaire « domini Frederigi Romanorum imperatoris » du fol. 12 et – peut-être – avec celui qui a stipulé l’acte de vente déjà cité du 8 janvier 1204, Dipl. S. Apollonia. Étant donné le peu de consistance des quelques indices rassemblés, il n’est pas possible d’attribuer à Bruno la paternité du formulaire florentin.
25 . Les seuls documents qui ne soient pas précédés d’un titre sont précisément ces deux ventes (fol. 13-14), transcrites avant la liste des rubriques par laquelle se concluait le second cahier originel (fol. 9-16, correspondant aux fol. 7v-14 de notre ms). Étant donné que cette table se réfère au contenu du premier cahier du recueil perdu et est donc une copie, on en déduit que déjà alors le tenor des différents documents était précédé de titres, qui en facilitaient la consultation. Sur la question des deux ventes, voir plus loin dans le texte. Il est probable que le manuscrit modèle contenait une liste des rubriques non seulement du primi quaterni, mais aussi du second. Toutefois, en formulant des hypothèses quant à sa structure, on doit tenir compte que l’on ne peut rien dire ni sur le support (dimensions, surface d’écriture, marges…) ni sur l’écriture elle-même (module, système d’abréviations…).
26 Correspond au fol. 20 (deuxième moitié) de notre manuscrit. Mais étant donné que l’acte « de venditione castri » déjà cité, et qui ouvre le fol. 20, parle dans les dernières lignes de « coloni », on ne peut pas exclure qu’à l’origine la fin du troisième cahier (fol. 24v) ne coïncidait pas avec la fin de notre fol. 20, comprenant les deux actes de vente de « coloni », et que le quatrième cahier (à partir du fol. 25) ne commençait pas avec l’actuel fol. 20v. Toutefois, vu que le premier document de cette feuille commence par « vel integre videlicet », se reliant ainsi à celui qui précède, il est aussi possible que le dernier fascicule du manuscrit perdu ait commencé avec le second, ou peut-être le troisième document du fol. 20v.
27 Dans huit cas (sur un total de quarante-huit) le texte d’un document est au contraire transcrit à cheval sur deux pages ou feuilles, dans des proportions variables, environ une moitié du texte de chaque côté (fol. 8-v, 13v-14, 18-v), un quart contre trois quarts (fol. 1v-2, un tiers contre deux tiers (fol. 10-v), trois quarts contre un quart (fol. 13-v). Dans deux cas, les dernières lignes d’un document se trouvent sur une nouvelle page (fol. 17v-18, 20v-21). Dans les pages dont la partie inférieure est restée en blanc, le document suivant étant reporté tout entier à la page suivante, les lignes du texte sont au nombre de 25-28 (contre une moyenne de 40-44 lignes).
28 G. Masi, éd. cit., p. LXV s. Nous signalons ici quelques exemples de désordre dans la succession des divers textes copiés dans le ms : au fol. 9 (titre : « De electionibus prelati »), le texte commence par « Vel ita » et finit par « ut supra », mais le contenu n’a aucun rapport avec le document qui précède (un acte de depositum pecunie super altare) ; la dernière partie du fol. 9 et la première partie de la page suivante accueillent la copie partielle et dans un ordre altéré par rapport à l’antigraphe, dans lequel il y avait d’abord un modèle (forma) d’« electio per compromissum » qui manque dans notre manuscrit, puis le commentaire « De dotrina huius artis et offitii », qui commence par « Sciendum est tamen quod », ce qui laisse à penser qu’il y avait un document précédent ; suivent des textes courts, « De electionibus per compromissum », qui renvoie à la forma, et « De electionibus prelati » (« Vel ita […] ut supra »), puis « De dotrina » sur la « secunda eligendi forma » (i. e. « per scruptinium »), puis « De electionibus factis per scruptinium », et enfin la note « De dotrina huius artis » sur « iste due forme ». Le fol. 9 commence par « Vel : Talis, renuntians cause et liti et accusationi etc. », c’est-à-dire le début d’un document « De promissione in causa non procedendi », qui malgré le « vel » n’est pas en relation avec le document précédant, « De matrimonio ». Au fol. 23, les deux brèves notes « De dotrina offitii » et « De renovatione sacramentum fidelitatis » sont la copie fidèle de deux textes que nous trouvons au fol. 10. Mais, tandis que les deux notae (« Et est notandum etc. » et « De renovatione iuramenti fidelitatis ») se réfèrent aux documents qui précèdent (« De re data in feudum » et « De promissione et iuramento fidelitatis »), au fol. 23 elles n’ont aucun rapport avec le document « De re data in solutum ». Au début du fol. 15, nous trouvons le commencement d’un document, sans titre, qui s’interrompt après quelques mots ; un tel phénomène se retrouve dans le premier document du fol. 15v, précédé de « De venditione rei stabilis ». Au fol. 3, la note « Si autem pater predictus etc. », concernant la promesse faite au père par son fils émancipé (qui dans l’éd. Masi semblerait se trouver à la fin du fol. 2v), est écrite en bas de la page. Le copiste s’est aperçu trop tard qu’il aurait dû insérer cette note avant le document « De mutuo » ; il a donc renversé la page, et ajouté la note sur un total de 5 lignes. Bien qu’il soit théoriquement possible que ces inadvertances et négligences fussent déjà présentes dans le manuscrit perdu, il est, à mon avis, très probable qu’il s’agit de fautes de copiste d’un apprenti notaire, qui commet aussi plusieurs erreurs de transcription, dues le plus souvent à un manque d’attention au sens du texte (mots répétés, omis ou écrits sans signes d’abréviation, concordances erronées, « pro ulterius » au lieu de « non pro usuris », « potestas » à la place de « petitionem », « vivorum » au lieu de « virorum », « expedire » pour « expedite », « adcas » avec signe abréviatif, qui devient « ad dictas » au lieu de « ad causas », etc.).
29 Nous trouvons pour la première fois la formule ars notaria/notarie en 1220, dans la matricule des notaires bolonais qui venait d’être instituée (1219) : « ad examinationem faciendam super illis qui ad artem volunt de novo notarie pervenire ». Cf. Liber sive matricula notariorum Comunis Bononiae 1219-1299, éd. Roberto Ferrara, Valerio Valentini, Roma, 1980 (Fonti e strumenti per la storia del notariato italiano, 3), p. 27 ; G. Orlandelli, « La scuola di notariato… », p. 48. V. aussi Hans Georg Walther, « Die Anfänge des Rechtsstudiums und die kommunale Welt Italiens im Hochmittelalter », dans Schule und Studium im sozialen Wandel des hohen und späten Mittelalters, éd. Johann Fried, Sigmaringen, 1986 (Vorträge und Forschungen hg. vom Konstanzer Arbeitskreis für mittelalterliche Geschichte, 30), p. 121 ss.
30 Ludwig Wahrmund, Die Ars notariae des Rainerius Perusinus, dans Quellen zur Geschichte des römisch-kanonischen Prozesses im Mittelalter, 3-2, Innsbruck, 1917, p. XXIV ss.
31 Salatiele, Ars notariae, éd. G. Orlandelli, Bologna, 1961 (Istituto per la storia dell'Università di Bologna, Opere dei maestri, 2), p. 219. Cette édition comprend aussi bien tous les fragments de la première version de l’œuvre (1237-1242) que la seconde rédaction, complète, qui est postérieure d’une dizaine d’années (1252-1254).
32 L. Wahrmund, Das Formularium des Martinus de Fano, dans Quellen zur Geschichte des römisch-kanonischen Prozesses im Mittelalter, 1-8, Innsbruck, 1907, ouvrage rédigé vers 1232 et qui dépend de Ranieri da Perugia. V. aussi Medioevo notarile. Martino da Fano e il ‘Formularium super contractibus et libellis’, éd. V. Piergiovanni, Milano, 2007 (Fonti e strumenti per la storia del notariato italiano, X) ; S. Scalfati, « La materia processuale nella scienza giuridica, nei formulari e nella prassi notarile nel medioevo », dans Sit liber gratus quem servulus est operatus. Studi in onore di Alessandro Pratesi, éd. Paolo Cherubini, Giovanna Nicolai, Città del Vaticano, 2012 (Littera Antiqua, 19), p. 423 ss.
33 Bencivenne, Ars notariae, éd. Giovanni Bronzino, Bologna, 1965 (Studi e ricerche della Facoltà di Lettere e Filosofia dell'Università degli Studi di Bologna, N. S. 14). Bencivenne fut très probablement élève de Ranieri da Perugia et composa son œuvre vers 1235.
34 Rolandini Rodulphini (Passagerii), Summa totius artis notariae, Venezia, 1546 (réimpr. anastatique Bologna, 1977), p. 1 s.
35 G. Orlandelli, « Petitionibus emphyteuticariis annuendo. Irnerio e l'interpretazione della legge Iubemus », dans Atti della Accademia delle scienze dell'Istituto di Bologna. Rendiconti, 71 (1984), p. 54 ss.
36 Dans ses positions de défense rigoureuse de l’orthodoxie civilistique, Salatiele, à la différence de Ranieri da Perugia, montre une aversion profonde contre le droit longobard : v. G. Orlandelli, « Appunti sulla scuola bolognese di notariato nel secolo XIII per una edizione dell'Ars notariae di Salatiele », dans Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 2 (1961), p. 32 ss.
37 Salatiele, Summula de libellis, éd. Antonio Grazia, Bologna, 1970 (Studi e ricerche della Facoltà di Lettere e Filosofia dell'Università degli Studi di Bologna, N. S. 26).
38 G. Costamagna, « Bologna e il ritorno del diritto romano… », p. 13.
39 P. Grossi, L'ordine giuridico medioevale…, p. 237 ss.
40 . S. Scalfati, « Forma chartarum. Sulla metodologia della ricerca diplomatistica », dans Id., La forma e il contenuto. Studi di scienza del documento, Pisa, 1995 (Percorsi, 4), p. 51 ss.
41 Cette table, qui ne renvoie pas aux pages, privées de numérotation originelle, est cependant utile pour repérer les diverses formae à l’intérieur du fascicule. Il s’agit d’une liste qui, dans bien des cas, regroupe plusieurs documents semblables sous un titre unique et omet les notes doctrinales. Il est très probable que l’auteur du formulaire a doté le manuscrit d’une liste des rubriques pour chacun des cahiers, après avoir recueilli le matériau et l’avoir transcrit avec les modifications opportunes, après avoir placé un bref titre avant les différents documents et avant les notes de commentaire. Ce qui est sûr, c’est que notre formulaire offre une seule liste, celle des rubriques primi quaterni du manuscrit perdu, à la fin du second cahier. Nous avons déjà fait remarquer que notre témoin n’est pas une reproduction fidèle et intégrale du texte copié.
42 Cf. fol. 12 : « De preceptis guarentiscie factis per constitutum Florentinum ». La formule du preceptum, suivie par une note doctrinale, rappelle que le notaire, agissant « ex offitio (ex forma capituli, per capitulum) constituti et guarentigie Comunis Florentie », a sommé les personnes intéressées (p. ex. vendeur, débiteur, etc.) d’observer les engagements mentionnés dans le document (paiement, defensio, etc.). V. aussi fol. 7v « De preceptis », « De exbannimento », fol. 13v [« Venditio »], fol. 14 [« Venditio »], fol. 15 « De venditione », fol. 15v et 24v « De venditione rei stabilis », fol. 22v « De venditione et actione debiti ». Les actes notariés avec guarentigia, apparus en Toscane au XIIIe siècle, étaient pourvus d’une clause d’exécution spécifique, ce qui fait que non seulement ils avaient pleine crédibilité, mais ils garantissaient aussi l’exécution immédiate : v. H. Bresslau, Handbuch…, I, p. 664 note 4. V. aussi Antonio Campitelli, Precetto di guarentigia e formule di esecuzione parata nei documenti italiani del secolo XIII, Milano, 1970. Nombreux sont ces cas dans les documents florentins de la même époque : v. p. ex. ASF, Dipl. Carmine, 1267 avril 30 (« Donatio »).
43 S. Calleri, L’arte dei giudizi…, p. 7. L’emblème de la corporation florentine des juges et notaires, une étoile d’or à huit pointes sur champ azur, ne représentait pas seulement l’astre qui, dans les ténèbres, a guidé les Rois mages vers le Messie, mais elle symbolisait aussi « la funzione direttiva del proconsolo su tutte le corporazioni fiorentine ». Un écusson de cette corporation se trouve aux ASF, Carte Strozziane, S. 3, II, fol. 7v. Cf. S. Calleri, L’arte dei giudizi…, p. 6, et ASF, Manoscritti, n° 471, fol. 13.
44 Francisco Sevillano Colom, « Un nuevo formulario medieval inédito (siglo XIII) », dans Anuario de historia del derecho español, t. 19 (1948-1949), p. 584-589. Outre une description sommaire et imprécise du manuscrit, que l’A. date « alrededor de 1271 » sans tenir compte des documents plus récents qui y sont contenus, cet essai contient une mauvaise transcription de trois documents (l'inventaire du fol. 1, la « carta iurium quando fideiussor solvit pro principali » du fol. 4 et la seconde « carta liberationis ancille » du fol. 10). L'A. adopte la foliotation portée aux archives, et relève donc, dans la plupart des feuillets, de brusques interruptions et des reprises sans aucun « encabezamiento ». Il est au contraire indispensable de lire avec attention tout le texte et de reclasser les feuilles dans un ordre totalement différent de celui dans lequel il se présente.
45 J. Bono y Huerta…, Historia del derecho, I, 1, p. 213.
46 V. l’édition dans S. Scalfati, Un formulario notarile pisano del primo Trecento, Pisa, 2003 (Collana Fonti della Società storica pisana, 10). V. aussi Id., « Alle origini della Privaturkundenlehre », dans Libri e documenti d’Italia : Dai Longobardi alla rinascita delle città. Atti del convegno nazionale della Associazione italiana dei paleografi e diplomatisti (Cividale, Ottobre 1994), Udine, 1996, p. 129 ss. ; « Diplomatische Anmerkungen zu den mittelalterlichen Urkunden der Pisaner Archive », dans Italia Regia. Europäische Herrscher und die Toskana im Spiegel der urkundlichen Überlieferung, éd. Wolfgang Huschner, sous presse ; et « I notai delle carte arcivescovili pisane del secolo XII », dans Bollettino storico pisano, t. 71 (2012), p. 105 ss.
47 Archivo de la Corona de Aragón (désormais : ACA), Seccion Ordenes Militares, Gran Priorato de S. Juan de Jerusalén, n° 555, olim armario 6 (ex armario 24), Legajo 6. Dans la chemise qui les contient, les 25 feuillets du formulaire sont précédés d’un feuillet en papier sur lequel une main du xviiie siècle a porté : « [For]mulari antich del art de Notaria ». Le fonds S. Juan est d’un grand intérêt : outre quelques milliers de parchemins, conservés dans 29 « armarios » et énumérés dans le ms « Inventario de pergaminos del Gran Priorato de S. Juan de Jerusalén », il contient : Volumenes y Legajos (n° 1-1063, armarios 1-54), Indices y Extractos (n° 1064-1147), Impresos y Manuscritos (n° 1148-1161) : vol. dact. de p. 262 avec titres et cotes de ce fonds, entré à l’ACA en 1939. Aux p. 50-53 de la section « Volumenes y Legajos », l’inventaire décrit le contenu de l'armario 24 (d’où provient le formulaire notarial pisan, où est cité, entre autres, l’hôpital hiérosolymitain de St. Jean ou du St. Sépulcre de Pise : « petitio » au fol. 6v) : il s’y trouve une quarantaine de volumes, registres et fascicules (n° 518-555), principalement des xvie et xviie siècles, et qui concernent le Prieuré de l’Ordre de St. Jean. Le volume n° 555, en plus du fragment pisan, contient divers manuscrits, parmi lesquels nous signalons un « Manual » ou registre des actes de Guillem Borrell (Guillermo Borrel), notaire à Barcelone ; écrit sur papier, il est daté de 1326 et contient des actes en latin stipulés en janvier 1327 n. St. (fol. 1 : « 1326, die Iovis XVIII Kalendas februarii » = 1327 janvier 15 ; vers la fin : « Die lune VII Kalendas februarii, anno Domini MCCCXXVI » = 1327 janvier 26). Il est composé d’environ cent feuillets (310 x 210 mm), en très mauvaise condition matérielle à cause des rongeurs et de lacérations, l’encre ayant souvent déteinte ou se trouvant même effacée. Sous la cote 530/13 se trouve un « Formulario antiguo de diferentes contratos » du xive siècle, ms sur papier, 136 feuillets numérotés. Sur le dos, d’une main du xve siècle : « Formulari antich de dife[re]nts contractes » ; sur la couverture, d’une main du xviiie siècle : « Ex armario 24 ». Le volume s’ouvre sur une rubrique datée de 1693, précisant que le « present libre » contient divers types d’actes ; suit une sorte de table, qui renvoie aux chartes et aux numéros de chaque document (du n° 1 au 52 ; nombre de pages sont restées vierges). Les documents sont en latin, la plupart ne sont pas datés. On doit ce ms à « frater Rogerius de Pinibus, magister sacre domus hospitalis sancti Iohannis Ierosolimitani » (environ 1360-1370). Il contient, entre autres, « littera seu forma manumissionis sclavorum », « forma manumissionum » de serfs de Chypre et de Rhodes, « forma receptionis confratrum », « forma collationis prioratus vacantis », « forma constitutionis procuratoris generalis ».
48 Les feuillets mesurent 325 x 235 mm, la surface écrite est de 270 x 180 mm environ, les lignes d’écriture sont en moyenne 35, sauf dans les quatre pages restées vierges dans leur partie inférieure (fol. 1, 4v, 22v, 25v). Forment un binion, avec une écriture recto verso, les feuillets 7 et 8, 13 et 16, 14 et 15, 21 et 22 ; la plupart du fragment est constituée de feuilles volantes, détériorées et déchirées dans leurs marges, à cause de la fragilité du support et de la fréquente consultation des documents. Il est probable qu’entre les feuillets 7 et 8, 9 et 10, 11 et 12, 14 et 15, il y avait à l’origine un binion. En outre, il manque un feuillet ou un binion après le fol. 20, comme avant et après le fol. 21. Cependant, au stade actuel il n’est pas possibile de s’exprimer sur la réelle consistance des fascicules composant le formulaire: la plupart des feuillets peuvent être répartis en binions (7-8 et 21-22), ou en binions insérés l’un dans l’autre (13-16 extérieur et 14-15 intérieur), mais le texte des documents peut passer d’une feuille à l’autre (fol. 2-4, 5-9, 12-20). Il en résulte que les feuilles détachées et non reliées aux autres se réduisent à peu d’unités (1, 10, 11, 23, 24, 25). Le fol. 1 (main A, comme les fol. 2-4) a été laissé en tête dans l’édition, en suivant l’archiviste du xviiie siècle, qui au bas du fol. 1 avait écrit : « I. Ex armario 24 », et du coup fit partir d’ici la numérotation des feuillets. Le manuscrit s’ouvrait peut-être sur l'« instrumentum positionis cum aliquo » (actuellement fol. 1v) et se terminait sur le verso par l’« inventarii confectio », qui occupe un tiers de l’espace disponible (cas analogues aux fol. 4v, 22v, 25v). Après avoir établi que toutes les feuilles, aussi bien celles qui aujourd’hui sont détachées que celles qui sont unies entre elles ou reliées avec celles qui précèdent et/ou qui suivent, faisaient partie à l’origine de fascicules dont nous ne sommes pas en mesure de déterminer le type, la consistance et le nombre total, on peut ajouter qu’un examen du contenu du fragment permet de déclarer que le manuscrit a perdu au moins une dizaine de feuillets.
49 La croix grecque résulte apparentée aux types Briquet 5426-5427, attestés à Pistoie et à Bologne dès le début du xive siècle : Charles M. Briquet, Les filigranes. Dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu'en 1600, II, Genève, 1907, p. 315-327 et n° 5425-5462. La forme de la lettre D est différente de celles des types Briquet 8121-8131 (III, Genève, 1907, p. 439). Un filigrane avec croix grecque, similaire à certains des types Briquet, est attesté à Pise dans les registres de la chancellerie communale, au début du xive siècle : Francesca Pacini, Le provvisioni degli Anziani del Comune di Pisa del 1316 : Archivio di Stato di Pisa, Comune, Divisione A, Nr. 86, tesi di laurea, directeur Emilio Cristiani, Università degli Studi di Pisa, année 1989-1990, p. I.
50 Je me limite, ici, à signaler deux cas qui, dans la phase de composition du manuscrit, concernent l’ordre de succession des documents : avant la « Carta generalis procurationis » (fol. 11) le rédacteur avait écrit le titre du document suivant (« Carta de commictendo acta sua uni notario »), puis il l’a biffé et a copié dans le bon ordre titres et textes des deux documents ; la raison d’une autre correction apparaît moins claire : au fol. 21, le scribe avait commencé à copier le titre de la « Carta de conservando… » (actuellement au fol. 21v), puis il a opté pour la « Carta finis et refutationis ».
51 Parmi les quelques personnages cités dans les documents, nous rappelons l’archevêque de Pise Federico Visconti (1253-1277), le juge et juriste Giovanni Fazioli (1223-1286), le roi Charles d'Anjou (la seconde « Carta liberationis ancille », fol. 10, doit être datée de 1271 si l’on veut faire concorder l’année, l’indiction et l’année du règne). Les notaires qui apparaissent dans les documents sont environ une dizaine, presque tous cités par leur seul nom personnel (p. ex. « Albertus notarius ») ; ceux que l’on réussit à identifier ne sont que trois et ils ont travaillé à Pise dans la seconde moitié du xiiie siècle : Angelus f. Camerini, Guillielmus q. Henrici de Sancto Pietro, Saladinus q. Corbinelli de Acqui. Les dates sont une dizaine en tout : quelques fois l’année et indiction concordent (fol. 12v : 1303 ind. 1 ; fol. 24v : 1305 ind. 3), dans certains cas non (le document déjà cité, au fol. 10, de 1271 ; fol. 25 : 1309 ind. 5 au lieu de 7), mais dans de nombreux documents les éléments chronologiques sont incomplets (voir aux fol. 10v, 20v, 22, 23v, 24). L'allusion à la guerre entre Pise et Gênes (fol. 19v-20) porte à la période qui précède la bataille de la Meloria de 1284. Les anthroponymes et les toponymes sont souvent déspécifiés : « Talis quondam Talis de tali loco ». Cette même opération concerne aussi les dates. Il est vrai que le compilateur d’un formulaire notarial n’avait aucune raison de reporter de façon complète et exacte tous les éléments, y compris le numéro de l'indiction, comme le prouvent les cas que nous venons de citer.
52 G. Orlandelli, « Genesi dell'ars notariae… », p. 329 ; « La scuola bolognese di notariato… », p. 27 ss. ; « La scuola di notariato fra VIII e IX… », p. 23 ss.
53 H. Bresslau, Handbuch…, II, p. 257-258.
54 A. Era, « Di Rolandino Passeggeri e della sua Summa artis notariae », dans Rivista di Storia del diritto italiano, t. 7, 1 (1934), p. 398.
55 On doit probablement à l’auteur ou à son assistant (et non à un scribe quelconque) les notes techniques « Ita debet dici » et « Que fieri debet decurso perhentorio » accompagnant le titre des formules de perhentorium (fol. 5) et de proclamatio (fol. 12) ; le titre « Perhentorium de soccita » (fol. 13v : dans le document on ne parle pas de bail à cheptel) ; l'ajout « post III menses » au titre du dernier document du fol. 14 (dont le texte ne mentionne aucun terme) ; le titre de la confessio (fol. 23v, puisqu’il n’est pas question de perhentorium dans ce document mais bien dans la notitia suivante, dans le titre de laquelle la note technique « elapso suprascripto termino » est peut-être elle aussi de l’auteur). Les ajouts « Angeli notarii Camerini » dans le titre de la carta liberationis ancille stipulée par Daniele de Danielis (fol. 10) et « Angeli notarii » dans le titre de la carta actionis iurium’ stipulée par le notaire B. (fol. 20v) pourraient également remonter aux origines de l’histoire du recueil, sans toutefois exclure la possibilité qu’elles y soient entrées dans une phase postérieure.
56Codex diplomaticus Sardiniae, éd. Paolo Tola, Torino, 1861 (Historiae patriae monumenta, X, 1), doc. n° 85, p. 363 (1254 août 13), cité par Emilio Cristiani, Nobiltà e popolo nel Comune di Pisa. Dalle origini del podestariato alla signoria dei Donoratico, Napoli, 1962, p. 29 note 27. Cf. aussi Adolf Schaube, Das Konsulat des Meeres in Pisa, Leipzig, 1888, p. 43 ss. ; Ottavio Banti, « Ricerche sul notariato a Pisa fra il XIII e il XIV secolo », dans Id., Scritti di storia, diplomatica ed epigrafia, éd. S. Scalfati, Pisa, 1995 (Biblioteca del Bollettino storico pisano. Collana storica, 43), p. 375. O. Banti partage l’hypothèse de Gioacchino Volpe, selon lequel la corporation des notaires se développe à Pise au cours du XIIe siècle, sur la base de formes associatives plus anciennes. Dans un essai sur les notaires et l’administration communale à Pise au Moyen Âge, Banti ajoute que le Collège des notaires se transforme en Corporation dans les années 1266-1267, et qu’en 1277 elle faisait partie des Septs Corporations : Scritti…, p. 440 note 26, et p. 444 note 31.
57 I brevi del Comune e del popolo di Pisa dell'anno 1287, éd. Antonella Ghignoli, Roma, 1998 (Fonti per la storia dell'Italia medioevale dell'Istituto storico italiano per il medioevo, Antiquitates, 11), rubr. 49 p. 104 (« in brevi collegii notariorum »).
58 Breve collegii notariorum, dans Francesco Bonaini, Statuti inediti della città di Pisa dal XII al XIV secolo, III, Firenze, 1857, chap. 49 p. 799 et chap. 15 p. 776 ; v. aussi chap. 45 (sur l’exercice de la profession notariale), 46 (sur les normes à suivre dans les actes notariés), 47 (sur le rapport entre notaires et apprentis notaires) ; nouvelle édition par O. Banti, Breve del collegio dei notai di Pisa dell’anno 1304, Pisa, 2005.
59 « Bei Notaren werden berufliche Fähigkeiten ähnlich wie im Handwerksbetrieb weitergegeben », écrit Peter Classen, Studium und Gesellschaft im Mittelalter, éd. Johannes Fried, Stuttgart, 1983 (Schriften der Monumenta Germaniae Historica, 29), p. 31.
60 Summa, fol. 230, début de la partie II (chap. VIII, fol. 230-272v) dédiée aux testaments, après la première partie en sept chapitres sur les contrats ; la troisième partie s’ouvre avec l’exposition « De iudiciorum atque causarum ordine » : chap. IX, fol. 273-396v : v. Prooemium, fol. 273v.
61 Fol. 18 : après un acte de permutation et le début d’une formule concernant les inventaires de biens hérités (sur lesquels v. aussi fol. 1 et 18v), nous trouvons cinq types de brèves introductions et deux exemples (« Et dico et volo… ») de formules relatives à la validité et l’observance des dispositions testamentaires. Au fol. 9v nous avons en outre la formule par laquelle un père confirme et ratifie le testament de son fils. V. Giovanni Chiodi, « Rolandino e il testamento », dans Rolandino e l’ars notaria…, p. 461 ss.
62 V. p. ex. Koichiro Shimizu, L'amministrazione del contado pisano nel Trecento attraverso un manuale notarile, Pisa 1975 (Biblioteca del Bollettino storico pisano. Collana storica, 13), p. 71 n° 16 : « Martinus Andree, Andreas Martini, Petrus Cambii, Cambius Petri, Iohannes Alberti, Albertus Iohannis (…) Gerardus Pieri, Pierus Gerardi, Sinibaldus Nocchi, Nocchus Sinibaldi » ; p. 71-72, n° 17 : « Placuit Martino q. Alberti et Alberto q. Martini (…) consensu et voluntate Andree Becti et Becti Andree ».
63 . Les noms qui reviennent le plus souvent : « Iacobus, Iohannes, Martinus, Petrus ». Pour de nombreux noms propres ne sont données que les initiales ou l’ensemble du nom personnel, mais sans le patronyme. Quelques fois les nominatifs changent d’un document à l’autre ou à l’intérieur du même document : p. ex. au fol. 20v, dans le titre du premier document, on parle de Martino, qui dans le texte devient Federico ; au fol. 19v dans un document un navire « vocatur Sanctus Nicolaus », dans le document suivant (« de dicta nave » dans le titre) est dédié à St. Antoine ; un des vendeurs est appelé une fois Alberto (« Pisano et Alberto », fol. 20) au lieu de Bernardo. Au fol. 9, dans le titre du premier document, on parle de 100 livres, dans le texte de 3000.
64 À l’exception d’un acte notarié en faveur d’un ecclésiastique (fol. 5v : « Promotione clericorum instrumentum »). Au fol. 6v, dans le premier document, on parle de « suprascripto Rainerio » et de « suprascripto domino Tedicio », qui toutefois n’apparaissent pas dans les actes précédents mais dans les actes qui suivent ; plus loin, dans le dernier document de la même page, « suprascripte domus sancti Iohannis », qui toutefois est citée ici pour la première fois.
65 Fol. 12-14. Au début du fol. 12, la première de trois chartes contenant des iudicia, on parle de « suprascriptam curiam » et « suprascripti Talis » : à l’origine donc, avant la promissio, il y avait un autre document ayant trait au « dicto perhentorio » ; à la même page nous lisons dans le troisième document « suprascripti Talis minoris » ; dans la seconde promissio comme dans la proclamatio qui suit, les juges qui paraissent pour la première fois sont dits « suprascripti ». De même, dans le dernier document du fol. 15, Maria et Berto sont dits « suprascripti » sans que l’on en ait parlé précédemment, comme il en advient pour Giovanni et pour Filippo au fol. 15v, dans un document qui commence par « Ad hec », et dans lequel une mère approuve une vente faite par son fils, qualifiée elle aussi de « suprascripta » mais absente dans notre fragment. Notons que les titres de ce document et du suivant (« Carta si unus filius… » et « Carta si unus vir… ») annoncent la vente et l’approbation, alors que seul le second document comprend ces deux volets (le second introduit par « Ad hec »).
66 Ce texte occupe la partie supérieure de la page 1, restée blanche pour les deux tiers environ. À une main du xviiie siècle nous devons l’ajout « I. Ex armario 24 » dans la partie inférieure de la page, qui présente de larges déchirures. On peut retenir que, à partir des premières années du xviiie siècle, le formulaire s’ouvrait avec cette « Inventarii confectio ». Il s’agit par ailleurs du seul cas où notre numérotation coïncide avec celle qui fut apposée dans l’angle supérieur droit des chartes par un archiviste du xxe siècle. Sur les inventaires, v. Summa, fol. 204v-209v, 392v, 399v : « Forma inventarii ».
67 Fol. 1v. V. Summa, fol. 121v-124v, un « instrumentum locationis et conventionis ad serviendum » qui présente de nombreuses analogies avec notre document. Le service prévu est de la durée d’un an dans les deux textes ; la rémunération est de trois livres bolonaises (3 et non 33, come l’écrit G. Tamba, « Rolandino nei rapporti familiari e nella professione », dans Rolandino e l'ars notaria…, p. 109 note 135), qui deviennent quatre livres pisanes.
68 Fol. 2. V. Summa, fol. 104-107v, différents types de iurium et actionum cessiones. V. aussi plus loin, fol. 4, la « carta iurium quando fideiussor solvit pro principali », qui dans la première partie est presque identique au modèle du fol. 2.
69 Fol. 2v. V. Summa, fol. 155v-157, un « instrumentum compromissi » très différent dans la forme.
70 Fol. 3. V. Summa, fol. 175, un « instrumentum offersionis seu oblationis et professionis » où un personnage se fait convers d’un monastère cistercien.
71 Fol. 3-v ; deux autres instruments de bail à cheptel au fol. 17. Dans Summa, fol. 140v-142, un « instrumentum socidae ad salvum capitale » a de nombreuses parties en commun avec le document du fol. 3, suivi par un autre « ad salvum caput ».
72 Fol. 4v, fin de la « donatio iurium contra aliquem ». Il s’agit de notes généralement très synthétiques à l’intérieur des différents documents (p. ex. début du fol. 5, dans le titre du document : « Ita debet dici » ; fol. 6v, dernière partie du « libellus coram iudice delegato » ; fol. 18 début : « Debet micti sicut in venditione » ; fol. 25, à l’intérieur du document « Alimenta pupilli » et à la fin de la vente sans titre : « etc. ut in cartis venditionis ») ou regroupées par sujets : fol. 12v « Interrogationes » ayant trait à des difficultés « de petio terre obligato » ; fol. 22-v plusieurs « Nota quod » portant sur des questions de nature judiciaire. V. dans la Summa de Rolandino, fol. 106, une semblable « Cessio ex titulo donationis facta contra plures debitores ».
73 Les curiae pisanes citées dans le formulaire sont les suivantes : « foretaneorum, pupillorum, assessorum, archiepiscopi, legis, arbitrorum, usus, ecclesiastica, appellationum ». Les documents concernant des causes présentées devant les tribunaux ecclésiastiques sont une faible minorité : sur un total d’une soixantaine, on n’en compte que quelques-unes, toutes comprises dans le premier groupe des actes relatifs aux iudicia (fol. 5-7). Rolandino traite « De iudiciorum atque causarum ordine » dans la troisième partie de la Summa, chap. IX, fol. 273 ss.
74 Fol. 5v. Rolandino traite « De dilationibus seu terminis in iudiciis dandis » aux fol. 337v-339v de la Summa.
75 Fol. 9 : dans ce document, tout comme dans le précédent, dans celui qui suit et d’autres encore (v. p. ex. fol. 13v, 15v, 19v, 20v, 24v), figurent dans le ms des espaces blancs qui correspondent à des mots que le rédacteur du texte (main B) n’a pas réussi à lire ou qui manquaient déjà dans l’antigraphe.
76 Fol. 9v : « Incantus rerum… ». Il est probable que le texte du document se trouvait sur un feuillet aujourd’hui perdu. Dans le fragment de formulaire qui nous est parvenu, nous ne trouvons pas d’autres titres privés du texte de l’acte, et vice versa nous avons des textes sans titre : une vente faite par un tuteur testamentaire (fol. 25 : « Talis tutor… », main C) et une dizaine de formules et plusieurs parties de testaments et inventaires (fol. 18-v, main B). Une « proclamatio subastationis alicuius rei pupillaris vendende » dans Summa, fol. 389.
77 Fol. 10. V. dans Summa un long « instrumentum manumissionis » (fol. 178-180v) et un « instrumentum manumissionis breviori forma » (fol. 180v) : la manumission est accordée dans les deux cas en échange d’un rachat. Rolandino prépara des instruments en matière d’affranchissement précisément dans les années où à Bologne avait lieu la libération des serfs (1255-1256) : v. Maria Gigliola Di Renzo Villata, « Il volto della famiglia medioevale tra pratica e teoria nella Summa totius artis notariae », dans Rolandino e l'ars notaria…, p. 420 ss.
78 . Fol. 10v. C’est l’un des rares documents où le formulaire pisan s’appuie sans l’ombre d’un doute sur un modèle qui a comme source la Summa rolandinienne (fol. 37v-38v). V. Gian Paolo Massetto, « Osservazioni in materia di contratti nella Summa totius artis notariae », dans Rolandino e l'ars notaria…, p. 280.
79 Fol. 15v. Un cas analogue, introduit par « Ad haec », dans Summa, fol. 50, suivi par un document où c’est le père et non la mère du vendeur qui donne son autorisation.
80 Fol. 15v. Dans ce cas aussi, le document de la Summa (fol. 47) « Si uxor venditioni praesens consentiat » commence par « Ad haec », mais la vente ne se fait pas causa necessitatis et concerne des biens revenant par dot à la femme, ce qui fait l’objet de notes de commentaire au fol. 47-v (dans notre formulaire la « res vendita non est expressim pro suis ractionibus obligata »).
81 . Fol. 17v : « Carta salidationis societatis » ; v. dans Summa un « instrumentum dissolutionis societatis quorundam mercatorum » (fol. 400).
82 Fol. 25 : « Quando pars datur filio emancepato » ; v. dans Summa (fol. 180v-182) un « instrumentum emancipationis » qui, comme souligne le commentaire, s’articule en plusieurs capitula, dont le premier est la véritable emancipatio, suivie par la donatio ; le formulaire pisan contient seulement la donation.